Derniers cours – Robe rouge – Le professeur – Un réformateur ? –- Les contempteurs – Le récit d’un naufrage – Des surdoués aux charlots.
Dernier cours
Jeudi 29 mars 2007, le Professeur de Droit Georges Frêche a donné le dernier cours de sa carrière à des étudiants de deuxième année.
[J’ai beaucoup de peine à vous quitter. Je suis arrivé dans cette faculté en décembre 1969, il me semble que c’était hier. J’étais jeune agrégé. Et voilà : trente-sept ans ! Je ne les ai pas vu passer. C’est le miracle de cette fac : il n’y a pas de miroirs, pas de glaces ! Et donc, je ne me suis pas vu vieillir, je ne me regardais que dans vos yeux, alors j’ai toujours vingt ans, comme vous.
J’ai fait cours jusqu’à 68 ans, l’extrême-limite autorisée. Je n’ai pas toujours été député, je ne suis plus maire de Montpellier, mais professeur, je n’ai jamais arrêté. Car vous êtes ce que j’ai de plus précieux. Je sais, j’ai toujours été outrancier mais à la façon de Platon. C’est de la maïeutique, provoquer pour obliger à approuver ou à contrer, à réfléchir. Dans trente ans, quand je serai mort depuis de nombreuses années déjà, vous penserez peut-être encore à moi.
Car j’ai essayé avant tout de vous ouvrir l’esprit, de développer votre intelligence, vos facultés d’analyse. Vous savez, philosophiquement je suis anarchiste : ni Dieu, ni maître ! Restez libre, n’écoutez pas les conneries ambiantes que déversent les télés et les journaux, faites attention aux modes et à l’air du temps. Comptez d’abord sur vous, sur vos propres forces. Réfléchissez par vous-mêmes.
Vous êtes ma famille, mes enfants, je vous aime. N’oubliez pas cette leçon : la vie passe vite, si un jour vous êtes malheureux, plongez-vous dans les livres. La culture ça ne sert à rien, mais quel bonheur].
« Je vous l’avais bien dit » (12) – Hors Texte n°14 – 05/04/2007.
Robe rouge
[Au crépuscule de sa vie, est-il déçu de ne pas avoir été un grand universitaire ? Sans aucun doute. La politique ayant pris le pas sur sa carrière d’universitaire. Il s’invente alors une reconnaissance de ses pairs. Il se présente comme professeur d’histoire du droit romain alors qu’il n’a jamais étudié le droit romain. Ses seules connaissances en la matière, c’est l’épreuve passée lors du concours d’agrégation, mais une épreuve parmi d’autres. « Quand il est arrivé à la faculté, il a demandé que l’on supprime l’enseignement du droit romain » raconte un professeur de sa section. Il disait que c’était un droit bourgeois. Il a toujours fait croire qu’il enseignait le droit romain pour impressionner les imbéciles, comme les décorations.
C’est le même état d’esprit qui préside son attitude lorsqu’il apparaît, en avril 2006 sur les écrans de M6 dans l’émission Capital. On le voit dans l’amphithéâtre, donner un cours, dont on sait, à la direction de la faculté, qu’il ne correspond plus depuis des années au programme officiel. On laisse faire. Georges Frêche apparaît vêtu d’une robe rouge. Une véritable mise en scène télévisuelle pour apparaître comme professeur d’université renommé. Le problème c’est que personne à la faculté, à de rares exceptions, n’enseigne plus vêtu d’un tel accoutrement. Et lorsque le cas se présente, ce n’est pas la robe rouge que l’on revêt, mais la robe noire ; la robe rouge est, elle, réservée aux manifestations d’apparat, de prestige. Pour lui, porter cette seule robe d’apparat à un cours, filmé par la télévision, symbolise la qualité d’universitaire qu’il n’est plus depuis trois décennies. Elle révèle un fantasme qui ne prend que plus de reflets en cette fin de carrière]. (18, p.187)
Le professeur
1 [Une centaine de robes rouges fendait la foule ce matin du 27 octobre devant la cathédrale Saint-Pierre à Montpellier où se déroulaient les obsèques de Georges Frêche. Symbole des universitaires en Droit, ils étaient venus rendre hommage à l’un des leurs. A la demande du défunt, des funérailles universitaires ont été célébrées. Comme le veut le protocole, tout le corps universitaire était en procession derrière le cercueil selon son grade : le doyen de la composante (Droit) est en deuil, la doyenne de la faculté, Marie-Elisabeth André, suivie du président de l’Université Montpellier I (dont la faculté de Droit fait partie) Philippe Augier. Tous les professeurs de la faculté suivaient ce cortège, soit une quarantaine au total. D’autres doyens et professeurs étaient également présents ainsi que les deux autres présidents d’universités (Montpellier II et Montpellier III), des présidentes en l’occurrence.
Après avoir suivi la procession, tous ces universitaires – soit une centaine au total – vêtus de leur robe pour l’occasion, se sont répartis dans les stalles autour de l’autel. Selon une fausse tradition, les professeurs de Droit seraient les chanoines de la Cathédrale. Le chef du protocole ne sachant que faire d’eux, Michel Miaille, ancien juriste, montra la voie au reste de la procession de juristes et professeurs.
Face à ce parterre d’universitaires qui pour l’occasion ne passait pas inaperçu, aucune mention ou allusion au passé d’enseignant de Georges Frêche n’est fait lors des discours funéraires.
De même, rares sont les médias qui s’y sont référés si ce n’est la presse locale. Dans les divers articles, peu font mention du professeur, tout juste est-il écrit qu’il enseignait l’histoire du droit, telle la lubie d’un homme souhaitant posséder plusieurs cordes à son arc. Il le fut pourtant durant 40 ans, sans discontinuer, même lors de ses mandats électoraux.
Michel Miaille, professeur émérite de Droit et de Science Politique à l’UFR Droit de Montpellier et ancien doyen de la faculté AES (Administration Economique et Sociale) a bien connu Georges Frêche. Agrégés la même année – 1969 -, l’un en histoire du Droit, l’autre en Droit public, il se souvient de leurs premières années ensemble à la faculté dans les années 70. Ce n’est que fin 90, début 2000, qu’ils travaillent ensemble puisqu’ils partagent un cours sur « l’histoire des idées politiques ».
Dans l’amphithéâtre, les élèves ne sont pas en reste : « Au spectacle », comme l’affirme Antonin qui a suivi ses cours de 2005 à 2007. Georges Frêche aime être « au centre des débats ». Tel un « dictateur » « autoritaire », acceptant mal les contradictions, il n’en est pas moins « très cultivé et intéressant » selon Noémie, ancienne étudiante durant l’année 2005-2006. Cette « tribune » offerte à l’ancien maire devait, sans nul doute, exalter et flatter un ego déjà bien en place.
Un professeur craint mais respecté
Connu pour ses discours fleuves, parfois sans notes, lors d’inaugurations ou colloques en tout genre, le professeur n’était pas du genre à prendre une pause entre ses trois heures de cours, « ce n’était pas son genre, il nous terrorisait trop pour qu’on ose le lui demander » se souvient Antonin. « C’était un véritable spectacle. Il commençait en général plutôt bien, puis, au bout d’une vingtaine de minutes, on arrêtait tous de noter, le professeur s’en allait et on écoutait l’homme public raconter des anecdotes de sa vie politique, nous réciter par cœur des poèmes chinois, nous donner son point de vue sur telle ou telle question… » poursuit le jeune homme. Même ces écarts pouvaient être rattachés au cours et de façon plutôt incongrue d’ailleurs. Julien, alors en 2e année en histoire des idées politiques, raconte qu’il « était très érudit et mélangeait ses cours avec l’expérience quotidienne de son métier d’homme politique ». Sur n’importe quel sujet « il pouvait donner une anecdote qui lui paraissait utile pour les étudiants. En général ça détendait les étudiants et tout le monde riait beaucoup » ajoute Michel Miaille. Un avis qui n’était pas partagé de tous. Certains élèves étant hérissés par ses errements. Pour Mathieu, en 2e année à l’époque, l’explication réside dans le fait que « fac droit signifie étudiants plutôt de bonne famille, fils à papa et donc souvent de droite, pas forcément fan du personnage. Seule une poignée d’étudiants rigolaient à ses saillies ». Avouant même qu’ « un étudiant était lui tellement fan qu’il se mettait à applaudir de temps en temps ». Lui-même n’appréciait pas vraiment le personnage, « brouillon » et « vulgaire » mais reconnaît « qu’il était plus intelligent et cultivé que la plupart de ses opposants »…
Intransigeant avec ses élèves : une fille baille, il l’a viré de son cours.
Bien qu’il s’accordait de nombreux à côté lors de ses cours, Georges Frêche n’en acceptait aucun de ses élèves. Le secrétaire national adjoint à la rénovation du Parti socialiste et ancien doyen de la faculté de droit de Montpellier, Paul Alliès donc, admet qu’il y avait « un niveau de satisfaction élevé de la part de ses élèves » et que le professeur entretenait « un rapport direct » avec eux. « Il ne laissait passer aucun comportement incongru ».
« Ainsi lors d’un cours en amphi, une élève a baillé. Il a considéré qu’elle s’ennuyait et l’a viré de cours manu militari » se rappelle Noémie. Elle ajoute qu’ « il fallait réfléchir avant de parler. Il avait une excellente mémoire et se forgeait une opinion d’après nos interventions. Ensuite il nous appréciait ou non. Les notes allant parfois de pair ». Michel Miaille tempère : « il faisait ses cours, il faisait passer les examens, il corrigeait, je peux le dire, puisque j’ai eu à contre corriger quelquefois ses copies (…) il avait la côte auprès de ses élèves (…) et pourtant ce n’était pas quelqu’un qui donnait les examens en mettant 18 à tout le monde. Lors des oraux, il entrait parfois dans de vives colères »….
Erudit et populaire
Au milieu de ce véritable « one man show », il devait être difficile de prendre des notes en rapport avec le cours. Même s’ils admettent que les cours du professeur Frêche étaient intéressants, ce n’est pas forcément pour la matière elle-même. « J’aimais ses cours mais nous avions les livres ; ce que l’on voulait tous, étudiants, c’était les anecdotes, les poèmes récités, les aventures relatées, etc.… On venait pour ça. Et là Monsieur Frêche était le seul dans son genre ! ». Effectivement, quel professeur peut se permettre dès le premier jour de modifier l’intitulé du cours – Histoire des idées politiques – en « Histoire de la philosophie politique de la Chine » parce qu’amoureux de ce pays ; de lire pendant une heure un recueil de poèmes de Lao Tseu jugeant qu’un manuel n’aurait pas mieux illustré la pensée taoïste ; de regarder une étudiante droit dans les yeux et lui réciter un poème, « Mon rêve familier » de Verlaine parce qu’il parle du besoin de séduire les femmes en politique ou encore d’ajouter, lorsqu’il évoque l’histoire religieuse et met en relation les écrits bibliques avec les sources historiques qui attestent que Jésus avaient frères et sœurs : « ça prouve au moins que Joseph en avait dans les couilles ». Blasphème ? Point du tout. Pour Julien, « c’était çà Frêche professeur, son côté à la fois érudit et beauf ». Il avait pris le parti d’en rire en prenant ses propos au « 30e degré ». Cette manière d’enseigner, de parler, « changeait des professeurs de droit hyper formatés ». Quand d’autres, comme Mathieu, jugeaient que ces divagations nuisaient au cours auquel il s’attendait à assister. Mais Noémie considère que « peu importe nos opinions politiques ou sur la personne elle-même. Il captait l’attention et on pouvait l’écouter disserter sur l’histoire du monde pendant des heures ». Elle concède cependant qu’il fallait être pourvu d’une certaine « ouverture d’esprit »…
Si la vie politique a pu le lasser, son métier d’enseignant ne l’a jamais déçu.
Pourquoi rester professeur quand vos convictions et fonctions politiques vous appellent légitimement ailleurs ? Si Paul Alliès considère que « c’est un privilège de pouvoir exercer ce métier au-delà de l’âge légal », Michel Miaille avance un autre début de réponse. Il se souvient du dernier cours de Georges Frêche. Une vieille tradition veut que toute la faculté vienne écouter le premier et le dernier cours d’un professeur. Ce jour-là, seuls quatre universitaires étaient présents, parés de la robe rouge – couleur du Droit – traditionnelle, « pour des raisons liées au calendrier certainement… ».
A cette occasion, l’ancien maire s’est expliqué : « je suis né pour être enseignant, c’est une fonction que j’adore. Je suis vraiment à mon aise dans l’enseignement et ça va me manquer ». Michel Miaille avoue même que ce jour-là « Georges Frêche a pleuré comme un gosse » mais qu’il ne s’en est pas caché. Il a confié aux étudiants présents : « Ecoutez, je pleure, je n’ai pas honte parce que pour moi c’est un morceau de ma vie qui s’en va. Cela signifie que je vais rentrer dans la retraite et qu’on considère que je peux plus faire cours ». L’ancien doyen d’AES de rajouter : « Pour lui c’était essentiel, il considérait qu’étant en relation avec de jeunes générations, vous êtes toujours sollicité par des questions nouvelles, par des gens qui préparent leur avenir, il faut leur donner des conseils, il faut savoir leur expliquer certaines choses. L’expérience que l’on a acquise peut servir pour leur gouverne personnelle. Et ça c’était profondément ancré en Georges Frêche. Il n’aurait pas pu être un « simple » administrateur de la ville ou de la région. Il lui fallait cette fonction de pédagogue. Il réussissait bien puisque les élèves l’écoutaient, l’applaudissaient ».
Antonin, qui était présent ce jour-là, abonde en ce sens : « le dernier cours était un moment très touchant (…). Il était vraiment ému, il a pleuré et nous a convaincu qu’il était professeur avant tout. Nous sommes tous repartis pantois, c’était un instant très fort que je ne suis pas prêt d’oublier ». Julien se rappelle d’une phrase en particulier où il admit « être parfois lassé de la politique » mais « s’il y avait quelque chose dans sa vie qui ne l’avait jamais déçu, c’était bien les cours qu’il donnait à l’université ».]
Des électeurs potentiels
« Le fonds de ses cours étaient largement obsolète sur le plan de l’actualité de la recherche mais ils étaient extraordinairement passionnants à cause de la digression permanente à laquelle il se livrait » (Mavidou, étudiant).
« Tenant le mieux possible ses engagements professoraux, ses cours magistraux représentaient sans doute une vraie thérapie pour Georges Frêche, le moment où il se laissait exprimer avec plus de recul envers les réalités et notamment l’actualité.
Il s’y livrait plus sincèrement que devant les médias et lâcha devant des générations d’étudiants d’innombrables aphorismes qui n’auront pas connu la célébrité des autres… avant de les terroriser à l’oral » (Mavidou, étudiant).
« En entrant dans la salle de cours, il devait avoir la sensation de s’installer dans une espèce de cage de Faraday. Ici, il devait se sentir à l’abri de toutes les agressions. C’était le lieu où il allait être admiré, aimé ou craint. Ses cours n’en étaient pas. La « maïeutique » était son mot magique, pour expliquer que pendant deux ou trois heures il pouvait nous raconter n’importe quoi, il comptait sur la magie du verbe pour nous entraîner dans sa sphère » (Laurent, étudiant).
« Certaines fois, installé sur son Olympe, mécaniquement, il survolait l’Histoire, le Monde. Souvent je me suis demandé : à quoi pense-t-il pendant ce temps ? A la mairie ? Au Parti socialiste ? » (Jocelyne, étudiante).
« Les leçons de Frêche, plein d’humour et le sens acerbe du mot, allaient là où son esprit était, exactement comme dans un discours ; car il le savait, chacun d’entre nous était un électeur potentiel » (Gabriel Holard-Sauvy, UNEF).
Un cours ?
Extraits d’un enregistrement réalisé lors d’un cours du Professeur Georges Frêche devant ses étudiants, à Montpellier, en 2008 (certifié conforme, enregistrement réalisé par un étudiant sur son téléphone portable).
[ ….. On ruine les paysans africains en vendant nos produits subventionnés par l’Europe, mais c’est pas les agriculteurs qu’il faut subventionner. Blair a raison, c’est les chercheurs. On s’en fout des agriculteurs, on s’en fout. D’ailleurs aujourd’hui, avec 5 % d’agriculteurs en France on produit autant qu’avec 40 % en 1945 et avec 2 2% on produira aussi bien qu’avec les 5 % actuels, donc on peut encore en perdre les trois cinquièmes.
Oui, ce que je vous dis c’est l’évidence. Ah, mais si les gens fonctionnaient avec leur tête, mais les gens ils ne fonctionnent pas avec leur tête, ils fonctionnent avec leurs tripes. La politique c’est une affaire de tripes, c’est pas une affaire de tête, c’est pour ça que moi quand je fais une campagne, je ne la fais jamais pour les gens intelligents. Des gens intelligents, il y en a 5 à 6 %, il y en a 3 % avec moi et 3 % contre moi, je change rien du tout. Donc je fais campagne auprès des cons et là je ramasse des voix en masse.
Enfin, aujourd’hui je fais ce qui m’intéresse comme président de Région, j’aide les lycées, j’aide la recherche et quand je ferai campagne dans deux ans, pour être de nouveau élu, je ferai campagne sur des conneries populaires, pas sur des trucs intelligents que j’aurai fait. Qu’est-ce que les gens en ont à foutre que je remonte les digues, les gens s’occupent des digues quand elles débordent, après ils oublient, ça les intéresse pas les digues du Rhône, ils s’en foutent ; ah, à la prochaine inondation ils gueuleront qu’on n’a rien fait.
Alors moi je mets le paquet sur les digues du Rhône, mais ça ne me rapporte pas une voix, par contre si je distribue des boîtes de chocolat à Noël à tous les petits vieux de Montpellier, je ramasse un gros paquet de voix. Je donne des livres gratuits dans les lycées. Vous croyez que ces connards me disent merci ? Ils disent non, ils arrivent en retard. Comme si c’était ma faute parce que l’appel d’offres n’avait pas marché et que donc il y avait quinze jours de retard dans la livraison.
Les gens, ils ne disent pas merci, d’ailleurs les gens ne disent jamais merci. Les cons ne disent jamais merci. Les cons sont majoritaires et moi j’ai toujours été élu par une majorité de cons et ça continue parce que je sais comment les « engranger » ; « j’engrange » les cons avec ma bonne tête, je raconte des histoires de cul, etc.… ça a un succès fou, ça a un succès fou. Ils disent : merde, il est marrant, c’est un intellectuel mais il est comme nous ; quand les gens disent « il est comme nous », c’est gagné, ils votent pour vous. Parce que les gens ils votent pour ceux qui sont comme eux, donc il faut essayer d’être comme eux.
Là les catalans me font chier, mais je leur tape dessus parce qu’ils m’emmerdent ; mais dans deux ans je vais me mettre à les aimer, je vais y revenir, je vais leur dire : mon Dieu, je me suis trompé, je vous demande pardon. Ils diront : « qu’il est intelligent », ils me pardonneront, ils en reprendront pour 6 ans. C’est un jeu, qu’est-ce que vous voulez, il faut bien en rire. Avant je faisais ça sérieusement, maintenant j’ai tellement l’habitude de la manœuvre que ça me fait marrer.
Les cons sont cons et en plus ils sont bien dans leur connerie. Pourquoi les changer, pourquoi voulez-vous les changer ? Si vous arrivez à faire en sorte que les gens intelligents passent de 6 à 9 % voire à 11 %, vous ne pouvez pas aller au-delà. Mais les cons sont souvent sympathiques, moi je suis bien avec les cons, je joue à la belote, je joue aux boules. Je suis bien avec les cons parce que je les aime, mais ça ne m’empêche pas, mais après quand vous avez raison, après ils vous donnent raison, mais toujours 3 à 4 ans après.
Toujours trois ou quatre ans après, ils disent : « mais il n’est pas si con parce que après tout, tout ce qu’il a fait ça marche ». Donc vous faites des trucs, vous vous faites élire, 6 ans. Les deux premières années vous devenez un maximum impopulaire, vous leur tapez sur le claque-bec, etc.… « Ah, salope, le peuple aura ta peau, on t’aura ». Moi je dis, cause toujours, je vous emmerde. Ensuite deux ans, vous laissez reposer le flan, vous faites des trucs plus calmes. Et les deux dernières années, plus rien du tout, des fontaines, des fleurs, et des bonnes paroles, je vous aime, oh catalans, je vous aime, oh occitans mes frères, je vous aime ; vous faites un petit institut, une merde pour propager le catalan auprès de quatre gugusses, tout le monde est content, évidemment ils parlent catalan comme ça personne ne les comprend à 3 km de chez eux.
Mais ça leur fait plaisir. Moi je m’en fous, je parle l’occitan, parce que ma grand-mère parlait occitan, mais je le parle pas, parce que j’ai peur qu’on pense que je parle patois, donc, en plus bêtement, on m’a pas appris l’anglais, alors moi je parle le latin, le grec, l’allemand, l’italien, je suis donc un demeuré parce que ça sert à rien. Aujourd’hui il faut parler anglais, ça prouve rien du tout, ça prouve pas qu’on est intelligent, mais ça prouve qu’on peut communiquer avec les trois quarts de la planète. Apprenez l’anglais, mais surtout pas avec les profs d’anglais de Montpellier et de France, ce sont parmi les plus mauvais du monde. Les 4/5e des professeurs d’anglais, ils parlent l’anglais comme une vache espagnole. Vous apprenez l’anglais, si vous êtes une fille, vous baisez avec un mec, si vous êtes un garçon vous baisez avec des Anglaises, et là vous apprenez vite, rien de tel que la communication orale.
Moi, je suis allé en Angleterre, j’ai baisé une quarantaine d’Anglaises et je commençais à apprendre, mais après on bouffait tellement mal que je n’y suis plus revenu, parce que je ne supportais pas leur bouffe et alors je faisais que bouffer libanais, je passais mon temps à bouffer libanais à Londres, c’est fatiguant de bouffer libanais tout le temps, du taboulé et compagnie, ça j’en ai bouffé du taboulé à Londres, du taboulé, du poulet farci.
C’est un peuple merveilleux les Anglais mais leur bouffe tuerait père et mère, d’ailleurs c’est pour ça qu’ils viennent en France. Vous savez, eux, ils ne sont pas cons, c’est pourquoi ils ont colonisé le monde ; celui qui le dit le mieux c’est Disraeli, le grand Premier ministre anglais de la fin du 19e siècle. Il disait un jour à l’impératrice Victoria, il lui dit « Majesté, savez-vous pourquoi les Anglais ont colonisé le monde ? », c’était au moment où les britanniques dominaient les deux tiers de la planète et Victoria regardait son premier ministre et Disraeli lui répond, en plus c’était un juif avec un humour extraordinaire, « Majesté enfin, c’est pour échapper à leur cuisine » ; ça c’est bien vu… il vaut quand même mieux bouffer la cuisine du Kenya ou la cuisine indienne ou la cuisine d’Afrique et autre, c’est quand même meilleur que la cuisine anglaise. Je ne sais pas comment ils font pour arriver à faire aussi dégueulasse. Ils s’acharnent.
J’y suis encore allé parce que j’ai envoyé ma fille faire des études en Angleterre, j’y suis allé l’an dernier, dans une ville magnifique au Nord, c’est toujours aussi dégueulasse, ils n’ont pas progressé depuis 40 ans que j’y étais allé, en plus les Anglaises elles baisent comme des savates.
Vous avez tout ce qu’il faut sur place, c’est pas la peine d’aller là-bas, les Françaises c’est quand même autre chose, maintenant c’est fini je suis marié. Je vous rapporte de très vieux souvenirs, des souvenirs d’enfance quand j’étais tout petit, gentil et que j’allais traîner mes guêtres en Angleterre. Ceci dit, je vais quand même vous dire un truc, les Anglais c’est un peuple formidable, un de plus beaux peuples qui soit, c’est des gens intelligents, courageux, magnifiques, d’ailleurs c’est comme les juifs.
Alors, moi les juifs, j’adore les juifs, j’adore Israël, alors ils ont une cuisine ! Mais alors en plus eux ils sont plus têtus que les Anglais, parce que les Anglais il y a longtemps qu’ils ont renoncé à ce que leur cuisine soit bonne, ils n’ont plus aucune illusion, mais les juifs, je suis copain avec des masses de juifs, ils veulent absolument m’expliquer que la cuisine casher est bonne.
Enfin, vous l’avez bouffé la cuisine casher ? C’est dégueulasse, c’est abject. Enfin, ce peuple qui est extraordinaire, intelligent, qui fournit les meilleurs chimistes, les meilleurs physiciens, les meilleurs pianistes, les meilleurs mathématiciens, vous ne voulez pas en plus qu’il fasse de la bonne cuisine. Non la cuisine casher est dégueulasse, c’est une évidence, des fois elle est un peu bonne quand ils font de la cuisine libanaise, c’est-à-dire les marocains font de la bonne cuisine, les juifs marocains font de la bonne cuisine, mais ce n’est pas de la cuisine juive, c’est de la cuisine marocaine, c’est la cuisine berbère, la cuisine berbère marocaine, elle est délicieuse, mais c’est autre chose.
Bon enfin, ce n’est pas grave tout ça, moi ça ne m’empêche pas d’aimer les Anglais parce que je n’oublie pas que c’est les seuls qui ont tenu le coup de 40 à 42 tous seuls contre les Allemands. Alors ça c’est un peuple extraordinaire, mais ce n’est pas parce que leur cuisine n’est pas extraordinaire qu’on va en vouloir aux Anglais, alors allez-y mais ne restez pas trop longtemps et je vous recommande les restaurants pakistanais qui sont très bons, les restaurants libanais qui sont très bons, les restaurants italiens qui sont parfaits, puis de temps en temps vous allez bouffer dans un restaurant anglais, c’est rigolo. Et des fois même, ce n’est pas mauvais, mais c’est quand ils font de la cuisine européenne, alors elle n’est pas anglaise ; mais la cuisine anglaise, vraiment ça….
S’il y a un peuple qui fait encore plus mauvais que les anglais, c’est les Norvégiens ; la cuisine norvégienne est abjecte et en plus c’est la plus chère du monde. Essayez d’aller bouffer à Oslo, vous verrez ce que ça coûte. Moi quand je vais en Norvège, j’amène les boîtes de conserve et je me fais ma propre cuisine : un je fais des économies, deux je bouffe correctement].
(Retranscription : http://www.perpignan-toutvabien.com)
URL de cet article : http://www.internationalnews.fr/article-georges-freche-toujours-elu-par-une-majorite-de-cons-46721524.html).
A la fin de la lecture de ces digressions du professeur Georges Frêche, ma mémoire a déclenché des images, me replaçant étudiant sur les bancs de cette même faculté. J’ai eu la chance de bénéficier des enseignements de professeurs où se mêlaient, compétences, pédagogie, humour et amour de cet art.
J’ai toujours eu pour ces maîtres, admiration et reconnaissance. Je leur dois une grande part de ce que je suis devenu. Sans pouvoir les citer tous, je retiendrai Henri Vialleton, Henry Cabrillac, Georges Péquignot, Georges Desmouliez, Robert Badouin, René Maury, André Castagnier, Francis Garrisson, Jules Milhau.
Un réformateur ?
Quelques propositions formulées par Georges Frêche pour moderniser l’université :
[L’université est un gaspillage formidable.
Le premier gaspillage et d’ailleurs un gaspillage de matière grise : 50% des étudiants inscrits sont en situation d’échec au terme de leurs deux premières années d’études et 90.000 sortent du système universitaire sans diplôme…
Il faut augmenter les droits d’inscription à l’Université ; il faut des droits d’inscription élevés ! Je suis professeur d’Université depuis trente-sept ans et j’ai vu la situation se dégrader. A mes débuts, 80 % des étudiants inscrits en première année assistaient au cours durant toute l’année ; ces dernières années, ils n’étaient plus que 20 % …
La hausse des droits d’inscription n’est pas un tabou si elle est compensée par l’attribution de bourses au mérite pour les étudiants de conditions modestes…
Je suis également partisan de l’institution d’un examen d’entrée à l’Université pour qu’il y ait un écrémage important après le baccalauréat. Tous les bacheliers ne sont pas armés pour aller jusqu’au bout des cycles universitaires…
Il faut avoir le courage de dire que la France doit avoir deux types d’universités ; des universités régionales et quelques universités nationales d’excellence mondiale dans lesquelles il faut intégrer les grandes écoles. C’est la première chose à faire, un système universitaire à deux niveaux…
Le système universitaire français n’est plus performant. Nous sommes en train d’être largués. J’estime donc aujourd’hui qu’il faut révolutionner notre système d’enseignement… C’est indispensable parce que la matière grise est notre principale force, mais il y a de telles habitudes, dans l’intelligentsia française, les universitaires sont si inaptes à capter le changement qu’il faut surtout une révolution mentale…. Elle passe par un nouvel état d’esprit et l’abandon du corporatisme qui se travestit parfois en syndicalisme…
L’ENA, il faut la supprimer. L’ENA est une école anachronique. La France est un des rares pays où un imbécile diplômé est assuré d’une carrière plus qu’honorable. Il faut en finir avec ce système]. (11)
Les contempteurs
« Les universitaires sont souvent intelligents mais ils sont terriblement conservateurs. Ils veulent que rien ne bouge alors que le monde entier évolue en permanence. Quand j’étais maire de Montpellier, ce sont les universitaires qui ont été les pires contempteurs de tout ce que je faisais, spécialement mes propres collègues de la faculté de droit… En Languedoc-Roussillon en ce moment, nous nous battons pour regrouper les trois universités de Montpellier, Perpignan et Nîmes. Les universitaires les plus concernés ont peur de leur ombre, ils avancent dans ce projet comme des escargots… »
Cette sanction sans appel est signée Georges Frêche.
Il a souvent déclaré qu’il souhaitait faire de Montpellier une université de recherche d’envergure européenne. Voir plus. Comme dit le proverbe, « il y a loin de la coupe aux lèvres ». La démonstration va suivre avec le projet du « Pôle d’excellence ». Les universitaires ont décidé que ce dossier relevait de leurs compétences et ont décidé de le piloter complètement.
Georges Frêche, pour reprendre sa formule, n’a pu ou voulu exercer sur ses contempteurs une forte pression pour imposer ses propositions.
Il s’est toujours méfié des universitaires, il a probablement craint que ne sorte de leurs rangs un leader capable de le concurrencer. Dans bien des cas, il a préféré opérer sur les cordes de la segmentation, de la division ou de l’élimination, pour rester « le premier ».
Le nombre et la qualité de ses collègues qu’il a laissé sur le bord de la route est assez impressionnant : Vignau, Constans, Colson, Crespy, Jouffroy, Geneste, Alliès, Levita, Lazerges, Guibal… sans oublier la mise à l’écart de Dugrand avant sa récupération.
Le dernier dossier, celui qu’il a laissé sur la table avant de partir, est celui du « grand emprunt et du pôle d’excellence ». Certes la sentence condamnant l’échec humiliant de ce dossier est tombée après son départ. Mais elle était déjà prévisible et attendue compte-tenu de l’état d’esprit qui animait les responsables des différentes universités et de la retenue des « politiques ».
J’ai toujours pensé qu’un maire de Montpellier, parmi ses préoccupations majeures, devait toujours avoir deux dossiers qui relèvent de secteurs fondamentaux pour Montpellier : les universités et les hôpitaux. Ils sont source de vie, d’emplois et d’équilibre. Toute perte de vitalité de l’un ou de l’autre nous entraînerait sur la pente du déclin.
Le récit d’un naufrage
[« Les trois universités montpelliéraines peinent à tomber d’accord sur un projet « d’excellence ». Si elles n’y parviennent pas avant le 17 décembre, elles risquent de laisser filer un milliard d’euros. « Le problème c’est qu’il faudrait des années pour que le processus se fasse bien et dans la douceur » soupire Eric Buffenoir, vice-président de l’Université Montpellier 2. Mais nos trois universités ne disposent que de quelques semaines pour aboutir à un projet commun qui engage l’avenir de la recherche montpelliéraine, et compte tenu des divergences actuelles, pas sûr qu’elles y parviennent. En tout cas, pas sûr qu’elles y parviennent du premier coup. Le 22 octobre dernier, René Ricol, l’homme chargé de distribuer les 35 milliards du grand emprunt Sarkozy, en visite à Montpellier, découvre avec stupeur que Montpellier 1 et Montpellier 2 portent chacune un projet de candidature aux « initiatives d’excellence ». René Ricol gronde : « il n’y aura que huit projets retenus en France. Si les trois présidents d’université de Montpellier ne font pas converger leurs visions et ne se mettent pas à marcher ensemble, ils manqueront le rendez-vous ». D’ici le 17 décembre, 13 heures, les trois présidents devront avoir renvoyé un seul et unique dossier. Dans le cas contraire, adieu le milliard d’euros destiné à propulser le site universitaire de Montpellier au rang des meilleurs mondiaux. « Avons-nous les moyens de passer à côté de cette somme ? » s’inquiète Anne-Yvonne Le Dain, vice-présidente de la Région en charge de la recherche. A un mois de l’échéance, cette élue tape du poing sur la table et sous-entend que les subventions régionales pourraient être revues à la baisse si les universités n’arrivaient pas à s’entendre : « on se posera la question de savoir si on continue à mettre dix millions d’euros par an si les universités ne s’accordent pas ». [La Gazette]
L’échec : « Le projet ne remplit pas les critères des initiatives d’excellence »
Montpellier Université : les avis du jury qui a plombé la candidature de la ville (Vincent Coste, Midi Libre, 12.11.2011)
[Un jugement tranché qui tombe avant le couperet : « non présélectionné. Et c’est ainsi qu’un jury international écarta définitivement 2 la candidature de Montpellier au titre de l’appel d’offres des initiatives d’excellence du grand emprunt qui, rappelons-le, devraient attribuer, sous forme de dotations, une manne oscillant entre 500 et 700 millions d’euros aux projets retenus.
Le jury, dans son évaluation, détermine douze critères communs à tous les candidats, attribuant pour chacun de ces critères les notes de A (la meilleure), B ou C (la plus mauvaise). Montpellier n’obtient aucun A, six B et six C. Un résultat franchement médiocre. Et les secteurs où elle récolte les pires notes relèvent de « l’enseignement, l’ambition et l’innovation », « la crédibilité et l’efficacité de la gouvernance », « l’ambition, l’identité, la transformation et la structure » de cette gouvernance, la « qualité de la feuille de route, du planning et des étapes associées » et des « procédures et du management ». Rien de moins…
Des « progrès insuffisants ont été faits pour développer une stratégie qui se construit sur leurs forces et exploitent leurs synergie. Le projet apparaît encore comme une juxtaposition de projets variés plutôt qu’un plan intégré qui se construit sur leurs atouts et avantages compétitifs » est-il ainsi indiqué.
Les jurés qui, entre deux vagues d’appels d’offres, ont donc vu Montpelier III quitter le navire, notent aussi : « alors que la création de l’université Montpellier Sud de France qui fusionnera l’UM I et l’UM II a été annoncée, cela en est encore à une étape très préliminaire ». Avant d’asséner : « la volonté d’être reconnue comme une université de recherche d’envergure mondiale n’a pas été démontrée à travers des actions et un planning concret ». Fermez le ban].
« Des surdoués aux…charlots »
Tout au long de ce parcours suicidaire, je me suis exprimé pour dénoncer cette guerre permanente des egos, pour souhaiter que les élus s’engagent dans ce dossier dont l’importance pour Montpellier me paraissait indiscutable.
Campus universitaire de Montpellier et « l’effet papillon »3
(17-12-2008)
La réussite du dossier « Montpellier Campus universitaire » est le pilier majeur de l’avenir du Languedoc-Roussillon. La fusion entre les trois universités de Montpellier, une des conditions essentielles, semble achopper sur le problème de la gouvernance.
Les egos, les petites manœuvres, les mesquines jalousies et les médiocres ambitions constituent une force de blocage telle que le Doyen de la Faculté de droit de Montpellier Paul-Henri Antonmattei a déclaré « ce qui nous attend, c’est l’Everest mais sans guide et sans assistance respiratoire. » (Midi-Libre 10 décembre 2008)
Il faut s’engager et dire haut et clair que celui, celle ou ceux qui par leur suffisance et leur inconséquence entraîneraient le naufrage de ce dossier vital, devront rendre publiquement des comptes. Et il appartient à chacun de nous de mettre l’accent sur cette situation, pour faire en sorte que ce dossier connaisse une réussite exemplaire.
Le disque à offrir cette année aux responsables universitaires c’est celui de Bénabar « l’effet papillon », il mérite l’écoute : « le choix de quelques-uns dans un bureau occidental bouleverse des milliers de destins… c’est l’effet papillon petites causes grandes conséquences… petites choses dégâts immenses ».
Pôle d’excellence
(07.04.2011) 4
… Inutile de dénoncer, de tempêter, de défiler.
Montpellier rate l’excellence. Le pôle universitaire montpelliérain ne fait pas partie des sept présélectionnés dans le cadre de l’appel à projets du Grand emprunt. L’annonce de cette sanction parue dans le Midi-Libre du 30 mars n’a pas suscité de commentaires, de réactions, d’indignations. Cette éviction est passée comme un simple fait divers. Certes, il y a bien eu un cri de détresse de la présidente de l’Université de Montpellier II. Madame Danièle Hérin a exprimé ses craintes d’un nouvel échec, lors de la session de rattrapage, avec les conséquences douloureuses que cette situation entraînerait. Elle parle de catastrophe.
Mais en dehors de cette clameur dans le désert, rien ou si peu. Les universitaires, les étudiants sont restés muets ou inaudibles, les responsables politiques très discrets.
Il parait évident qu’une réaction rapide, profonde s’impose. Il y a urgence. Il faut à partir des conclusions qui ont fondé cette exclusion, tirer les leçons qui en découlent. Il faut mettre à nu la responsabilité des différents intervenants. Il ne faut pas se contenter du rituel « c’était prévisible, on fera mieux la prochaine fois ». Il faut déceler les erreurs, corriger les fautes, et prendre les mesures nécessaires pour que les mêmes causes ne reproduisent pas les mêmes effets.
Analysée de l’extérieur, la construction du dossier pour la première session a laissé apparaître des failles béantes.
Lors de l’annonce de la sélection de Montpellier pour concourir, de tous les horizons les bonnes intentions se déversaient à flots. Puis est venu le temps des réunions, des discussions, des concertations, des négociations, suivi d’une phase aigüe de tergiversations, de récriminations, de divisions. Pour recoudre, il a été fait appel au louvoiement, à la finasserie et aux faux fuyants. Tout cela s’est déroulé sur un fond « d’affrontements des egos » qui a pesé lourd sur la construction du dossier et sur le résultat.
Dans cet enjeu, l’Université n’est pas seule concernée, elle ne défend pas uniquement ses intérêts, le sort de Montpellier et du Languedoc-Roussillon est également sur le tapis.
Ce dossier ne relève ni d’une espèce de zone franche ni d’un domaine réservé. Il serait irresponsable pour la session de rattrapage de laisser se dérouler le même scénario, avec les mêmes acteurs campés sur leur propre texte. Cela conduirait à un naufrage définitif.
Eclairons-le avec quelques données :
l’échec, « pour des raisons obscures de petite politique politicienne », selon la formule consacrée, de la mise en place d’une grande agglomération de Montpellier, fait qu’elle se retrouve à la 15e place à l’échelon national. Ce classement a eu un effet induit, Montpellier n’a pas été retenue dans la première liste des villes bénéficiant du statut de métropole avec tous les avantages qui y sont attachés. Il y a là une perte de valeur pour Montpellier et pour la région.
les cafouillages, toujours pour les mêmes raisons, sur le positionnement de Sète vers Montpellier et sur la gestion de son port qui peut, et doit retrouver une dimension internationale pénalisent l’ensemble de l’économie régionale.
les difficultés de plus en plus marquées du Centre Hospitalier Régional de Montpellier de rester dans le cinq majeur dans les classements nationaux, tendent à affaiblir le statut de Montpellier et celui du Languedoc-Roussillon.
Un nouvel échec, lors de la session de rattrapage de l’excellence du pôle universitaire montpelliérain serait effectivement une catastrophe. L’effondrement de ce pilier fondamental marquerait du signe moins Montpellier et le Languedoc-Roussillon.
Cet ensemble de facteurs négatifs entraînerait alors à terme, avec les regroupements régionaux annoncés, l’explosion du Languedoc-Roussillon avec un dépeçage rattachant l’Ouest de la région, à Midi-Pyrénées, l’Est à la région Provence-Alpes-Côte d’azur et la Lozère à la région Centre.
Dans ce cas de figure, Montpellier perdrait tous les attributs que lui donne aujourd’hui sa fonction de capitale régionale.
Il sera alors inutile de dénoncer… de tempêter… de défiler.
Des surdoués… aux charlots5
(08.11.2011)
Université d’Excellence : le projet montpelliérain n’a pas été retenu en tant que futur grand campus à vocation mondiale bénéficiant d’une manne financière de l’Etat.
Le couperet est tombé, les commentaires ne trompent pas : « autopsie d’un fiasco », « un échec dommageable mais prévisible », « perte de crédibilité », « une nouvelle accablante »…
L’opération baptisée IDEX (Initiative d’excellence) vise à faire entrer l’hexagone dans le haut du palmarès des meilleures universités internationales.
L’élimination du projet montpelliérain, au-delà de la perte du prestige universitaire, entraîne aussi celle d’une manne financière (1.200 M€) partagée par l’Etat (2/3) et la Région (1/3).
Pour expliquer cette douloureuse humiliation, la rubrique à l’honneur est celle de « on vous l’avait bien dit ! ». Ce qui est affligeant, c’est que l’on nous explique maintenant :
que ce désastre était annoncé en raison de graves problèmes de gouvernance.
que le problème venait de Montpellier III, de son refus de s’intégrer au projet et d’une fusion avec Montpellier I et Montpellier II
que le projet de Montpellier, 5e pôle universitaire de France, en dépit d’un socle solide et d’un site de très haut niveau sur le plan scientifique, souffrait d’un grave déficit de cohérence et d’efficacité
que tout au long de la construction de ce dossier ce fut « une bataille d’Hernani entre egos surdimensionnés, ambitions dévorantes et volonté partagée de ne céder ni un pouce de terrain, ni une parcelle de pouvoir… » [Midi Libre du 8-11-2011].
Il nous est susurré qu’un 3e appel à projet pourrait être lancé en février 2012. Si une troisième chance se présente, faut-il laisser les mêmes acteurs jouer la même pièce avec un autre fiasco programmé ?
L’université de Montpellier n’appartient pas qu’aux seuls universitaires. L’université a fait Montpellier, et nous ne pouvons assister, sans rien dire, à l’effondrement de ce pilier principal qui entraînerait la chute de beaucoup d’autres : perte de notoriété, perte d’attractivité, perte de crédibilité, perte de pouvoirs. Voilà la facture de cet échec.
Des organismes de recherche, des cerveaux rejoindront des universités retenues dans « l’excellence ». Des entreprises auront tendance à s’implanter autour de ces pôles plutôt que vers des universités non reconnues. Cela se traduira par des pertes d’emploi…
Les conséquences sont trop lourdes pour laisser ce dossier entre les mains de quelques-uns dont certains sont, paraît-il, irresponsables.
Deux actions paraissent s’imposer :
la première, est de porter à la connaissance de tous, les conclusions du jury international qui ont entraîné le rejet du dossier.
la seconde, une Commission d’investigation devant établir les responsabilités de chacun, doit être mise en place. Elle réunira universitaires, élus, représentants des socioprofessionnels…
La commission doit rapidement définir les faiblesses du dossier et les actions à entreprendre pour lui donner consistance et force.
Il n’est plus possible de laisser ce bateau ivre dériver au gré des humeurs de quelques-uns. Il y péril, il y a urgence.
Nous ne pouvons pas et nous de devons pas accepter cette déchéance sans réagir. Après avoir été affichés dans la catégorie des « Surdoués », allons-nous désormais être catalogués dans celle des « Charlots » ?