Les adaptations administratives – Rapport au Conseil économique et social

Le Conseil économique et social s’est saisi, le 26 octobre 1982 du problème des “adaptations administratives nécessaires à la préparation de la planification régionale”.
La préparation de l’avis a été confiée à la section des économies régionales et de l’aménagement du territoire qui a désigné M. Willy DIMEGLIO en qualité de rapporteur. (L’ensemble du projet d’avis a été adopté par un vote au scrutin public par 147 voix et 13 abstentions)
L’idée de régionaliser le Plan ou de concevoir une planification proprement régionale n’est pas neuve. C’est ainsi que depuis l’élaboration des programmes d’action régionale en 1956 ont été tentées diverses expériences au cours des plans successifs. Après les tranches opératoires du IVème Plan, les tranches régionales du Vème Plan, ont vu le jour les programmes régionaux de développement économique (P.R.D.E.) du Vlème Plan et les programmes d’action prioritaire d’initiative régionale (P.A.P.I.R.) du VIlème Plan.

    Ces expériences n’ont pas toutes connu le même succès. En outre, bien que l’association des comités d’expansion, des C.O.D.E.R., puis des établissements publics régionaux ait permis de mieux prendre en compte les préoccupations régionales, le processus de planification régionale s’est généralement déroulé dans un contexte à dominante centralisatrice.

Avec la réforme de la planification et la mise en oeuvre de la décentralisation, le rôle des régions prend une dimension nouvelle. Deux taches leur incombent désormais :
* d’une part, elles doivent donner leur avis au moment de l’élaboration du Plan national. Elles l’ont fait pour le plan intérimaire et pour le IXème Plan ; il semble que la méthode ait déjà bien fonctionné
* d’autre part, elles sont amenées à définir, dans leurs plans régionaux, leurs stratégies, leurs priorités, leurs capacités. Elles auront la possibilité de conclure des contrats de plan avec l’Etat et les entreprises.

Pour remplir leur mission et mieux analyser les réalités régionales, elles auront besoin d’études, de schémas d’élaboration s’appuyant sur une documentation statistique, une réflexion économique et une concertation entre les partenaires socio-professionnels et les différentes collectivités publiques concernées.

Le Plan lui-même change de nature. Il devient économique, social et culturel. Les mentalités sont appelées à évoluer : pour pouvoir mieux mobiliser les énergies de toute la nation, le plan doit être beaucoup plus ancré dans les réalités et les spécificités régionales.

Sans mésestimer les acquis des trente dernières années et sans ignorer les propositions du P.P.E. n°9, le Conseil économique et social juge néanmoins que des adaptations doivent intervenir tant sur le plan des hommes que des structures et des moyens. La réalisation des plans régionaux requiert un savoir-faire qui est à créer et des moyens humains, administratifs et financiers adaptés aux nouvelles conditions d’intervention de l’échelon régional.

Compte tenu de ces considérations, le Conseil économique et social émet l’avis suivant :

 

 AVIS DU CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL

 

Chaque région présente ses spécificités qui se retrouvent non seulement dans la géographie et l’économie, mais aussi dans les comportements, les méthodes de travail et la disparité des moyens.
    La décentralisation a pour corollaire la reconnaissance de la diversité régionale.
    Aussi le Conseil économique et social n’entend-il pas préconiser un modèle valable en tous lieux. Ses recommandations constituent simplement un éventail de propositions qui pourront être utilisées et adaptées selon les circonstances.

 

I – LES ADAPTATIONS CONCERNANT LES ELEMENTS

a/ – Le cadre de la planification décentralisée
Tout découpage territorial a ses avantages et ses inconvénients. Les limites administratives de la région ne coïncident pas nécessairement avec les besoins de la vie économique. La loi du 2 mars 1982 ne remet pas en cause le découpage adopté en 1956.

La nécessaire coordination des actions à réaliser ne pourra donc trouver de solution que dans la mise en place d’un système souple de coopération entre l’Etat et tous les partenaires concernés, accompagnant le nouveau partage des responsabilités.

A l’inverse, si les collectivités subrégionales doivent être associées à la définition du plan régional, il faut éviter la multiplication,à tous les niveaux, de plans dont la cohérence serait difficile à assurer.

Il est certain que la planification décentralisée va entraîner un ensemble de relations croisées dans lequel la région aura un rôle important de clarification et d’entraînement.

 

b/ – La nature du plan régional
Dans leur fonction de planification, les régions devront dépasser leur rôle traditionnel de programmation des équipements collectifs.

Axé sur la mise en place des conditions nécessaires au développement des activités productives et à la création d’emplois, sur l’aménagement du territoire régional, sur le développement culturel, le plan devient plus complexe. Le montage de programmes de nature économique est plus difficile à réaliser que l’association d’un ensemble d’opérations bien individualisées. La nouvelle nature du plan requiert donc un important travail d’adaptation et de réflexion et notamment un réaménagement des moyens budgétaires, une intervention conjointe des crédits d’investissement et de fonctionnement et, en ce qui concerne les hommes, un redéploiement intellectuel.

Par ailleurs, la notion de plan régional implique que soit combattue vigoureusement la tendance au saupoudrage des interventions ou à l’addition des intérêts et que soit reconnue la nécessité d’une liaison avec le plan national.

 

    Les auteurs du plan doivent prendre conscience de la nécessité d’élaborer un document sélectif concentrant les efforts sur un petit nombre d’actions susceptibles d’avoir un réel effet d’entraînement, assurant, par sa globalité, la convergence et la cohérence des objectifs exprimés par les échelons infrarégionaux et définissant des choix stratégiques pour le développement régional.


II – LES ADAPTATIONS CONCERNANT LES HOMMES

a/ – Les partenaires de la planification
Dans le cadre d’un pian de développement économique et social, les interlocuteurs de la région sont nombreux. Outre les partenaires classiques, il importe également d’ouvrir le processus d’élaboration du plan régional à d’autres acteurs de la vie économique et notamment à ceux des activités productives, en veillant à une équitable représentation de chacun.

L’Etat reste le partenaire privilégié de la région parce que le plan régional doit être cohérent avec le Plan national et pour des raisons financières. Or il est à craindre que la démarche des grands services relevant de l’Etat dans la région ne soit pas toujours en harmonie avec les préoccupations régionales. Le rôle du commissaire de la République devient essentiel dans la mise en oeuvre de la planification décentralisée. Seule une autorité interministérielle implantée sur le territoire garantit une représentation cohérente de l’Etat et permet au dialogue de s’instaurer réellement. La décentralisation implique la déconcentration.

 

    Le département, circonscription vivante et proche des administrés, doté d’une solide organisation administrative et politique, doit être associé à la planification. Cependant les rapports de force financiers risquent, en l’état actuel des choses, de lui donner un poids excessif et de favoriser la tendance a la départementalisation du plan.

Pour que la région conserve le rôle principal que lui confèrent les textes, l’obligation d’instaurer une véritable fiscalité régionale, englobant des transferts d’impôts d’Etat en rapport avec les responsabilités transférées, apparaît clairement.

L’association des communes, légale pour celles de plus de 100.000 habitants, est aussi souhaitable : leur rôle depuis trente ans en matière d’aménagement, d’animation leur a fait acquérir un savoir-faire qui sera, pour les régions, un point d’appui important.

    Le nouveau contenu du plan implique également l’organisation du dialogue avec les agents économiques.

Les grands groupes industriels et les sociétés nationalisées contribuent à animer le tissu économique local ; leur participation à la planification décentralisée ne sera effective que s’ils incluent dans leur propre plan des préoccupations d’aménagement du territoire et si leurs directions régionales, parties prenantes dans l’élaboration de la planification régionale, se voient reconnaître, par leurs directions générales, les responsabilités correspondantes, notamment pour la diffusion de l’information les concernant.

Par ailleurs, pour les P.M.E. et l’artisanat, la région représente un niveau d’intervention adapté ; les contrats qu’elle pourra passer avec ces entreprises vont nécessiter de nombreux moyens financiers, mais également d’études et d’information. Avant de s’engager, l’entreprise a besoin de connaître les données sur l’environnement extérieur et sur les règles du jeu qui la concernent. Les collectivités locales ne sont pas toutes parfaitement préparées à répondre à cette demande. Une meilleure utilisation des structures existantes de conseil et d’assistance aux P.M.E. et un renforcement de leurs moyens permettraient à ces collectivités de mieux apprécier les besoins des entreprises.

Enfin, il existe dans les régions des organismes économiques non administratifs dont les connaissances ou les spécificités dans leur domaine de compétence devraient être mieux exploitées. Ainsi en est-il des sociétés d’économie mixte, des établissements relevant de l’économie sociale, des missions interministérielles, des grands établissements publics comme les ports autonomes ou des compagnies consulaires, qui en raison des moyens dont ils disposent et de leur aire géographique, sont des partenaires qui peuvent apporter une contribution positive en matière de prévision.

Par ailleurs, les travaux de planification régionale devraient permettre d’assurer la participation d’organismes possédant de réelles capacités de réflexion et d’intervention.

b/ – Les auteurs de la planification
Le Conseil régional élabore et approuve, selon la procédure qu’il a lui-même définie, le plan de la région. Sa composition actuelle et le cumul des mandats qu’elle implique conduisent nombre de ses membres à ne pas faire des problèmes régionaux une priorité.

Au moment où les choix de la région pour plusieurs années doivent être déterminés, où donc doit s’affirmer une volonté régionale, se pose la question de la représentativité des conseillers. Leur mode d’élection ne sera pas sans influence sur les comportements. Sans s’engager sur le terrain des techniques électorales, le Conseil économique et social recommande que le mode de scrutin qui sera retenu s’inspire du souci de faciliter une prise de conscience des réalités régionales.

Le Comité économique et social régional, en vertu de la loi du 2 mars 1982, est compétent pour formuler son avis sur les documents relatifs au projet de plan régional et à son bilan annuel d’exécution ainsi que sur les contrats qui engageront la région .
Composé de membres qui, en raison de leurs responsabilités professionnelles, syndicales ou associatives sont de véritables experts, le Comité économique et social devrait jouer un rôle essentiel de conseil, d’information, de proposition et d’avis dans la préparation du plan.

Il est regrettable que, lors de la mise au point des avant-projets de contrats de Plan notamment, il ait été,^dans de nombreuses régions, tenu à l’écart de toute la phase préparatoire et contraint de se prononcer in extremis sur des dossiers dont il n’a pas eu une connaissance suffisante.

En outre, les innombrables organismes qui n’ont pu trouver place au sein du Comité cherchent à s’exprimer dans d’autres enceintes, créant ainsi des circuits parallèles

La consultation des forces vives de la région relève certes de la nécessité du dialogue et de l’échange et il est naturel que chaque Conseil régional recherche à travers des consultations verticales et horizontales d’autres avis. Mais il importe à l’inverse que ces consultations ne dégénèrent pas en une multiplication de commissions pléthoriques et que les compétences du Comité économique et social définies par la loi soient respectées.

La concertation a toutes les phases pourrait d’ailleurs être organisée en s’inspirant d’une formule utilisée dans certaines régions : l’instauration d’un comité régional de la planification réunissant les représentants des organismes dont la consultation est obligatoire selon les dispositions de la loi portant réforme de la planification pourrait permettre une action coordonnée à tous les moments de l’élaboration et de l’exécution du plan.

 

c/ – Les artisans de la planification
Les moyens humains à la disposition des assemblées régionales contribueront à la réussite de la planification. Désormais, aux termes de la loi, la région peut se doter de services, soit par recrutement direct, soit par transfert des services de l’Etat.

En ce qui concerne le personnel qui doit être affecté à l’exercice de responsabilités transférées, il est nécessaire d’utiliser les compétences déjà existantes et d’éviter la création de structures parallèles.

En revanche, la planification régionale est une mission nouvelle et la région doit s’organiser pour y répondre. L’exercice de la planification ne paraît pas exiger un personnel permanent nombreux. C’est pourquoi le Conseil économique et social recommande la mise en place d’une cellule de planification, composée d’un effectif léger, qui serait en relation avec tous les organismes ayant déjà des missions explicites ou non de planification. Cette cellule, qui pourrait également alimenter les travaux du Comité économique et social régional, constituerait ainsi l’élément d’impulsion et de synthèse indispensable, facilitant l’élaboration et le suivi du plan.

 III – LES ADAPTATIONS CONCERNANT LES OUTILS

a/ – Les statistiques

La définition d’une stratégie régionale de développement nécessite une connaissance approfondie de la situation régionale.

Les besoins d’information concernent non seulement les orientations retenues à l’échelon national, mais aussi les données de l’économie régionale et celles relatives au niveau infrarégional.

La modification des procédures de planification, la multiplication des partenaires réclament des transformations dans les méthodes d’information et d’analyse.

Actuellement, pour la collecte des informations, la réalisation d’études et la diffusion, l’INSEE s’appuie sur ses directions régionales ; de leur côté, certains ministères disposent d’échelons régionaux, voire départementaux qui sont producteurs d’informations départementales, régionales et nationales.

Mais, malgré cette déconcentration géographique, la conception de ces services régionaux est plus tournée vers la satisfaction des besoins nationaux que locaux. Dans l’ensemble, il faut un délai de plusieurs mois et même de plusieurs années pour que les données recueillies soient exploitées au niveau local (recensements, déclarations annuelles de salaires, enquêtes annuelles d’entreprises, enquêtes sur la structure de l’emploi). Certaines statistiques indispensables aux responsables locaux font défaut ou ne sont pas assez récentes, telles celles issues des recensements de la population ou ayant trait aux équipements publics et à l’appareil de production.

Une organisation plus décentralisée de la production de l’information permettrait de pallier ces inconvénients, étant entendu que l’échelon central conserverait une pleine responsabilité dans la définition précise de normes s’imposant aux niveaux régionaux pour l’obtention d’un tronc commun d’une parfaite homogénéité afin de permettre des comparaisons valables.

L’amélioration du système statistique pourrait faciliter l’élaboration d’une comptabilité régionale permettant de quantifier les activités, de déterminer la part de chacune d’en comparer régionalement les évolutions et d’en mesurer l’impact financier. Cette amélioration nécessiterait de procéder à un examen des pratiques actuelles en matière de secret statistique afin d’y apporter les adaptations indispensables notamment pour tenir compte des nouveaux besoins statistiques régionaux.

En outre, les collectivités territoriales devraient, pour être en mesure d’exercer leurs nouvelles compétences, renforcer leur maîtrise sur de nombreuses informations. En particulier, l’utilisation croissante de moyens modernes de traitement de l’information relative à leur gestion pourrait être l’occasion offerte pour fabriquer, au moindre coût et en sous-produit, une partie de l’information statistique qui leur est nécessaire.

La mise en place de Comités régionaux de l’information économique et sociale (CRIES), proposée par le Conseil national de la statistique, permettrait d’assurer une double concertation : sur l’information régionale entre demandeurs et producteurs d’une part, entre l’échelon régional et l’échelon national d’autre part. En outre, ces comités, consultatifs, placés sous l’autorité des assemblées régionales, auraient pour mission d’examiner les programmes de tous les services ou organismes susceptibles de produire de l’Information statistique. De ce fait, la mobilisation de l’information serait mieux coordonnée et donc moins coûteuse, la connaissance systématique des productions régionales et locales s’en verrait améliorée et, par conséquent, fortement réduits les risques de doubles emplois éventuels.

Tout en approuvant l’idée de créer, avec le CRIES, une instance de concertation assurant la représentation des collectivités territoriales, des producteurs, des demandeurs et des principaux acteurs économiques et sociaux, le Conseil économique et social met en garde contre le danger d’instituer une structure lourde .
L’accès à l’information et, par conséquent, son utilisation pourraient également être améliorés par la création de banques de données adaptées aux besoins spécifiquement régionaux et par l’utilisation de la télématique. En effet, malgré la multiplication des banques de données, tant dans les ministères que dans d’autres organismes, il n’existe à l’heure actuelle aucun instrument de ce type spécialement conçu pour répondre aux besoins de la planification régionale. La mise à disposition prochaine par l’INSEE d’une banque de données locales (BDL) va constituer un premier pas vers la satisfaction de ces besoins.

 

b/ – Les études et la recherche
Il conviendrait que les études effectuées par les administrations et les services publics au niveau régional répondent aux besoins correspondant à la diversité des partenaires de la planification et qu’elles soient plus largement diffusées et utilisées.

Une attention particulière doit être accordée au rôle important que les universités peuvent jouer dans l’élaboration des plans régionaux. La plupart d’entre elles disposent de centres de recherche dont les travaux ne sont pas toujours exploités. Afin d’éviter que la recherche ne soit trop souvent considérée comme une fin en soi, les chercheurs devraient être mis en mesure de mieux tenir compte des besoins de la pratique.

Le Conseil économique et social propose de promouvoir une meilleure association des universitaires aux partenaires de la planification. Il existe déjà, dans certaines régions, des instituts régionaux d’études économiques réunissant des professeurs, des chercheurs, des spécialistes mis à disposition par les administrations et les organisations socio-professionnelles. Certains fonctionnent depuis les années 1960 ; ils ont activement coopéré aux travaux préparatoires des Plans successifs. Le développement, dans d’autres régions, de tels instituts travaillant en relation étroite, avec l’établissement public régional mériterait d’être encouragé. La région doit collaborer avec ses universités comme avec ses organisations socio-professionneIles.
Aussi convient-il que soit développée une véritable recherche économique régionale prospective correspondant aux besoins exprimés par les opérateurs régionaux.

Il est nécessaire, en tout état de cause, d’assurer aux organisations syndicales et professionnelles l’accès aux résultats des recherches et études ainsi qu’a l’information économique.

 

c/- Les moyens financiers
Il ne servirait à rien d’élaborer un plan régional si la région ne disposait pas de moyens financiers pour en assurer l’exécution.

Trois types de moyens peuvent être envisagés : ceux provenant du budget de l’Etat, ceux qu’apporteront les budgets des collectivités territoriales, les financements complémentaires obtenus auprès du système bancaire.

S’agissant des contrats de plan, le Conseil économique et social rappelle qu’aux termes de la loi du 29 juillet 1982, les crédits nécessaires à leur financement doivent être protégés contre toute remise en cause. Il souligne toutefois que des incertitudes demeurent tant en raison de l’absence de programmation pluriannuelle que du tassement probable des crédits budgétaires, au moins pour l’année 1984. A ces considérations tirées de l’annualité budgétaire et des exigences de la conjoncture, il convient d’en ajouter d’autres que suggère le décalage entre les procédures d’élaboration du Plan national et des plans régionaux. Toutes ont leur part dans la difficulté d’aboutir à des chiffrages financiers précis.

Cette situation conduit le Conseil économique et social à recommander que toutes dispositions soient prises pour que, compte tenu de la rigueur qu’exigé la politique de redressement, une meilleure coordination soit assurée entre les travaux de planification aux deux niveaux, national et régional. Cette coordination lui paraît apte à mieux cerner les limites des engagements financiers susceptibles d’être pris par l’Etat et par chacune des régions concernées.

Une fois ces engagements précisés, il recommande, outre la protection des crédits budgétaires correspondants, une répartition territoriale de ceux-ci qui tienne compte à la fois des facultés contributives des régions et des exigences de la solidarité nationale.

S’il en allait autrement, il n’y aurait d’autre issue que de remettre en cause les réalisations projetées ou d’accroître la pression fiscale régionale, ce qui aboutirait à pénaliser les régions les plus pauvres et, d’une façon générale, à opérer de manière indirecte des transferts de charges contraires à l’objectif poursuivi par le recours à la technique des contrats de plan.

Pour écarter ce risque et mettre les régions en mesure de faire face aux obligations qui découleront de ces contrats auxquelles s’ajouteront celles liées à la faculté qui leur est désormais reconnue en matière d’intervention économique et sociale et celles que leur impose la couverture de leurs dépenses de fonctionnement, le Conseil économique et social insiste sur la nécessité de transférer à leur profit le produit de certains impôts nationaux.

Ce transfert, ainsi que la nécessité de donner des ressources aux régions, devrait obligatoirement s’inscrire dans le cadre d’une réforme d’ensemble des fiscalités d’Etat et locale. Celle-ci devrait résulter d’une refonte des systèmes fiscaux, basée sur une équitable répartition et n’entraînant pas un accroissement de la pression fiscale globale.

En tout état de cause, le Conseil économique et social rappelle sa position selon laquelle tout transfert de compétences doit être accompagné d’un transfert de ressources humaines, financières et fiscales correspondantes.

Les régions doivent également trouver des appuis au niveau des institutions financières.

Certaines régions ont entrepris la création d’instituts de participation complétant l’action des sociétés de développement régional et des réseaux bancaires spécifiquement régionaux. Les grands réseaux nationaux ont, de leur côté, amorcé une déconcentration. Le Conseil économique et social, lors de sa séance du 14 octobre 1981, recommandait que les agences régionales des grandes banques se constituent soit en divisions autonomes soit en filiales afin d’accroître l’autorité des cadres dirigeants et leur permettre un dialogue plus facile avec les forces vives régionales et, notamment, les PME-PMI et l’artisanat. Il réitère cette proposition qui aurait l’avantage de rapprocher les auteurs du plan régional et les opérateurs financiers.

Par ailleurs, le Conseil économique et social partage l’idée émise de mettre en place une conférence financière régionale. Cette instance pourrait constituer un lieu où seraient confrontés les objectifs prioritaires du plan régional et les possibilités de financement existantes.

Enfin, les régions doivent tenir compte des concours financiers qu’elles peuvent obtenir par le canal des institutions européennes. La transparence de ces aides serait souhaitable.

 

Pour réussir, la planification régionale exige que soient adaptés les moyens et les structures mis à sa disposition. Mais, au-delà de ces nécessaires adaptations, elle ne peut ignorer ses limites : l’espace régional n’est pas autonome ; l’environnement national et international s’impose à lui ; l’aménagement du territoire doit concilier la libre expression des volontés régionales et le souci de lutter contre les inégalités. Les recommandations formulées par le présent avis, à partir des expériences en cours, ne peuvent, en raison même de la nouveauté de ces dernières, prétendre revêtir un caractère définitif et exhaustif. Leur ambition est de permettre une première série d’adaptations. Dans la mise au point des méthodes de planification régionale, le facteur temps jouera un rôle essentiel.