Les peintures de l’hôtel de ville de Skikda

Incendie à l’Hôtel de ville de Skikda

Six toiles de maître et une fresque ravagées par le feu
[Par K. Ouahab – El Watan 14 janvier 2009 ]incendie_mairie.jpg

Un incendie s’est déclaré hier, vers midi, dans les bureaux du cabinet du maire de Skikda. En plus des dégâts matériels occasionnés aux bureaux, lesquels ont été totalement calcinés, on déplore la perte de six toiles qui font partie de la prestigieuse collection de l’hôtel de ville .

Selon le P/APC, l’origine du sinistre est en relation avec un court-circuit relevé dans le système de climatisation du bureau du chef de cabinet. Devant la vitesse de la propagation des flammes, les employés, en poste à ce moment-là, ont juste eu le temps de quitter les lieux. D’autres agents ont tenté de circonscrire le feu, mais les épaisses fumées, qui ont tôt fait de se dégager, sont finalement venues à bout de leurs tentatives. Les sapeurs-pompiers, aidés par les élus et les agents de la commune, réussiront finalement et dans des conditions très difficiles à venir à bout des flammes, malgré la persistance de fumées épaisses, noirâtres et asphyxiantes, ce qui a évité la propagation du feu au bureau du maire, contenant une grande quantité de toiles de maître.
A noter que le bureau représente, à lui seul, un véritable musée. Finalement, ce n’est que vers 15h que le dispositif de sécurité sera levé. Une simple visite au cabinet du maire, situé au premier étage de l’hôtel de ville, suffirait amplement pour témoigner de l’importance du sinistre. Tout le mobilier ainsi que les dossiers administratifs ont été détruits par le feu. Des traces visibles démontrent que les flammes s’étaient propagées jusqu’au couloir menant du cabinet au bureau du maire. Un lieu qui abrite ou qui abritait plusieurs toiles de maître.
On note, non sans émotion, la perte de deux toiles José Ortega, un peintre orientaliste dont les œuvres sont aujourd’hui très cotées sur le marché international de l’art. A titre d’information, Skikda disposait d’une rare collection composée de 17 œuvres de ce peintre espagnol. Aujourd’hui, il n’en reste que 15. On enregistre également la perte d’une toile du peintre anglais Chaplin intitulée « Jeune fille au châle ». Une autre œuvre du peintre algérien Ramdane, une estampe japonaise, ainsi qu’un tableau abstrait anonyme font partie du patrimoine ravagé par le feu, hier. Deux autres œuvres récentes, des céramiques du peintre Kateb, ont été elles aussi entièrement détruites. Plus grave encore, une fresque murale peinte au niveau du hall du 1er étage a été partiellement détruite. Une autre œuvre rare, du célèbre Constantin Font, a été détériorée par la chaleur qui s’est dégagée hier à l’hôtel de ville.

Mais que se passe-il a l’ hôtel de ville de Skikda ?

[Extrait du blog Toute l’Algérie 7 février 2008 ]
Amis (ies) c’est vraiment décevant de voir une partie de notre patrimoine locale partir en fumée , un patrimoine qui est heureusement enregistré au musée de Londres représente un vestige sans équivoque que certains enfants de la ville ont su préserver.
Hommage donc au docteur NOUAR AHMED qui après tant d’années de recherche a pu et su sauver ce patrimoine d’une mort certaine ou plutôt faire revivre cette collection de toiles de l’hôtel de ville de Skikda à travers une Œuvre intitulée * « LES PEINTURES DE L’HOTEL DE VILLE DE SKIKDA» , en mettant en éclat de couleurs la célèbre toile de « Charles Feola » titrée * « Hotel de ville ( 48×38) cm sur la couverture -( cette toile Acheté en 1952 par la commune de Philippeville )- . « Charles Feola » peintre né à Skikda en 1917, enfant de la ville est décédé malheureusement en Correze loin de sa ville natale en 1994. Citons aussi la fameuse fresque de Pierre Faget–Germain (1860-1932) Immortalisant la plage de « Marquet « : Ah que c’est joli, sans oublier la célèbre toile de Germaine Casses « Rivage de Guadeloupe » * (99×72) cm et qu’on ne verra d’ailleurs peut être plus ; sauf si on doit croire parfois a la magie précieuse des restaurateurs, surtout pour les fresques endommagées tels « La Femme » de Charles Chaplin (à ne pas confondre avec Charlie Chaplin bien sûr) une grande toile de ( 104×84) cm.
José Ortega (né à Valence en Espagne en 1877 et mort à Constantine en 1955.  Il fut professeur de dessin à Philippeville ), il a de son côté été émerveillé par cette ville au point de lui fconsacrer pas mal de toiles. Citons comme exemple les toiles suivantes : « Nouvelles gare , les bords de Safsaf , pont de Stora, les sept ponts et surtout « le Rocher de pignes , et le phare se Stora » toutes de la même dimensions a savoir (19.5×37) cm. Il avait a lui seul dix sept toiles presque un musée que beaucoup de gens ignorent , sept autres ne sont plus d’avant indépendance ; au total vingt quatre (24) .
C’est bien dommage ces vestiges auraient pu être sauvés mais hélas la culture n’intéresse plus nos responsables pire encore même les gens s’intéressent moins à la culture , que dire alors de la peinture, de ces toiles qui depuis 1930 sont éternellement cachées au public ne faisant la joie qu’occasionnellement  de certaines délégations étrangères qui émus demandent « d’où est ce que vous avez acquis ce trésor ?!» ne croyant peut être que c’est un trésor hérité depuis des décennies .
Le Sénateur et Maire « Paul Cuttoli » a acheté la célèbre toile de « Adam STYKA « ( Idylle Marocaine) « 81×65 « cm , et qu’il placé lui-même àl’hôtel de ville en 1932.
La listes des toiles ainsi que les chefs-d’oeuvres est longue ; abritées par l’hôtel de ville depuis des décennies et que peu de gens connaissent malheureusement . Le célèbre peintre « Ramande Abdelaziz » ( Allah yarahmou ) est peut-être le dernier  à venir enrichir cette longue liste de toiles en offrant a la commune de Skikda ses plus belles fresques tels « l’Algérie en Chantier * 1972* ( 158×119) cm , vision sanglante *20 aout 55 * .( 90×130) cm.
Que se passe-il donc a l’hôtel de ville de Skikda ? Peut -on agir pour restaurer ce qui a été endommagé … Il faut faire vite alors

Une toile de maître a disparu

[Par K. Ouahab – El Watan – 19 janvier 2009]

Le nombre des toiles de peinture ravagées par l’incendie des bureaux du chef du cabinet du P/APC de Skikda a été revu à la hausse, puisqu’on confirme qu’une septième œuvre a également été partiellement détériorée.
Il s’agit de l’œuvre de Germaine Casses, intitulée « Rivage de Guadeloupe » qui était accrochée dans l’enceinte du couloir jouxtant les bureaux du chef de cabinet et dont la restauration exigerait un énorme et minutieux travail pour tenter de la réhabiliter.
Dans la foulée, on rapporte avec insistance qu’une autre œuvre est désormais portée disparue. Il s’agit de la toile « Tabergda, au sud de Khenchela » du célèbre orientaliste José Ortega. Cependant, il reste à préciser que l’éventuelle disparition de cette œuvre n’est nullement en relation avec l’incendie. D’après des sources crédibles, elle aurait été volée ou détériorée bien avant. Selon des recoupements et des documents officiels, sa dernière trace remonte au mois de septembre 2006.
Depuis, on ignore son sort. Des employés de la commune, sous le couvert de l’anonymat, avancent cependant que cette toile qui était exposée dans la cafétéria de l’hôtel de ville n’était plus à son emplacement il y a plus d’une année déjà. A-t-elle été volée ou se trouverait-elle quelque part dans l’hôtel de ville ? Aucune confirmation ne peut être retenue à l’heure actuelle, bien que l’hypothèse d’un vol semble la plus indiquée puisque, à sa place, on semble avoir volontairement accroché une pendule, comme pour éviter de remarquer le vide qu’elle a laissé.
L’enquête que mènent depuis le début de l’incendie les éléments de la police judiciaire de Skikda apportera certainement des réponses claires au sujet de cette étrange disparition, à moins qu’on la retrouve.
Par ailleurs, on apprend que le ministère de la Culture vient de faire part de la désignation de trois experts en restauration qui seront à Skikda ces jours-ci. Il va sans dire que la perte des toiles demeure à ce jour le sujet de prédilection des Skikdis qui ne cachent pas leur appréhension de voir leur patrimoine confisqué par le ministère de tutelle.
Pour le docteur Mechtouf, président de l’association Affak pour le développement de Skikda, cet incident devrait plutôt inciter les responsables à œuvrer pour l’édification d’un musée où sera exposée en toute sécurité la collection skikdie.
Pour l’association les Amis de Skikda, par la voix de son président, Bouaziz Brahim, les choses versent dans le mêmes sens. « Cette collection fait partie de l’histoire de Skikda. Tout en exprimant notre volonté à œuvrer pour qu’elle demeure la propriété de notre ville, nous recommandons cependant une grande vigilance quant à sa sécurité. »

Consternation à Skikda après la perte de six tableaux de l’Hôtel de ville

[Par K. Ouahab – El Watan 15 janvier 2009 ]

La consternation était générale vu l’importance qu’accordent les Skikdis à un patrimoine qu’ils ont tenté de préserver des années durant, bien que d’autres Skikdis, des responsables de surcroît, l’aient, à une certaine époque, presque dilapidé.La réaction de Khalida Toumi, ministre de la Culture, ne s’est pas trop fait attendre, car on apprend, de sources bien informées, qu’une commission d’enquête se déplacera à Skikda dans les jours à venir. Localement, les services de sécurité poursuivent encore leur enquête pour déterminer les circonstances exactes de ce drame qui est venu amputer la collection des œuvres d’art de Skikda de six d’entre elles, dont la valeur artistique et sentimentale reste aussi inestimable.
On a tenté cependant hier de minimiser ces pertes en rapportant, ici et là, qu’un seul tableau de valeur a été détruit par l’incendie, et ce, en citant l’œuvre de l’Anglais Chaplin. Cependant, la liste complète des œuvres ravagées par le feu comprend deux tableaux de l’Espagnol José Ortega. Des documents d’archives attestent, selon l’emplacement des œuvres dans le couloir qui jouxte les bureaux du chef de cabinet, qu’il s’agit de « Tombeau du roi de Touggourt » et la deuxième œuvre serait « Basilique romaine ». Les quatre autres œuvres, qui ne sont nullement de moindre importance, sont « Jeune femme en châle » de Chaplin, une œuvre de Ramdane, symbolisant l’ère de la révolution industrielle ainsi que deux œuvres demeurées anonymes dont l’une est un graphique abstrait et l’autre représente une estampe japonaise.
La crainte des Skikdis aujourd’hui est de voir leur collection confisquée, pour des raisons sécuritaires par le ministère de la Culture comme cela a été le cas du buste de Marc Aurèle qui est gardé au niveau d’un musée à Alger. On avance même que l’incendie de l’hôtel de ville devrait consolider le département de Khalida Toumi dans son désir, qu’elle n’a d’ailleurs jamais caché, d’accaparer la prestigieuse collection skikdie. Une hypothèse qui reste inimaginable pour la population locale qui accorde une grande importance à son patrimoine.

Après l’incendie, une commission d’enquête dépêchée par la Présidence de la République – Inventaire

[Par N. Benouaret – El Watan 18 janvier 2009 ]
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Outre la réaction immédiate du ministère de la Culture, la disparition des six toiles de maîtres dans un incendie, survenu il y a quelques jours à l’hôtel de ville de Skikda, a également suscité celle des services de la présidence de la République qui ont dépêché, hier, une commission d’enquête sur les lieux, a-t-on appris de sources sûres.

Dans cette affaire, nos sources ont par ailleurs indiqué que six personnes auraient été interpellées par les enquêteurs de la Gendarmerie nationale. C’est le branle-bas de combat au siège de la mairie de Skikda, car il est question de la perte volontaire ou involontaire d’œuvres d’art d’une valeur inestimable. Curieusement, notent les mêmes sources, ces œuvres d’art prétendument ravagées par le feu avaient été citées quelques jours auparavant dans l’enquête sur le trafic international de biens culturels.  En effet, parmi les tableaux « détruits » figurent deux œuvres du célèbre Espagnol José Ortega. Autant que Le Bassor d’Etienne Dinet et Rossi, les chefs-d’œuvre d’Ortega sont très convoités par la nouvelle bourgeoisie russe et autres collectionneurs européens. D’ailleurs, pour les acquérir, de richissimes propriétaires de maisons d’art sont prêts à « mettre le paquet ». Si le premier (Dinet) orne actuellement les murs du salon des accréditations de la présidence de la République, les deux autres, consignés depuis l’indépendance dans l’inventaire communal de la wilaya de Skikda, sont censés être bien conservés à l’hôtel de ville, de même que les toiles d’Utrillo, Font, Styka ou Raffaelli.

« L’on se demande comment l’Etat, qui a toute la latitude de récupérer des biens culturels d’une aussi grande valeur, les a laissés pendant tout ce temps à l’hôtel de ville de Skikda ? », s’interroge Kamel Rahmaoui, doctorant en sciences juridiques et diplômé de l’institut italien Unidroit en droit international sur le protection des biens culturels. Des questions qui méritent d’être posées lorsqu’on sait que pour le transfert, durant les années 1970, vers El Mouradia de la toile de maître Le Bassor d’Etienne Dinet si chère au président de la République, il avait fallu une délibération spéciale des élus locaux de l’époque. Ce que consolide M. Rahmaoui lorsqu’il affirme : « Ce tableau de l’orientalisme n’avait pas échappé à l’œil connaisseur de Abdelaziz Bouteflika lorsqu’il avait accompagné le défunt président Boumediène en visite dans la wilaya de Skikda. Il se l’était fait offrir grâce à une délibération spéciale des élus de la commune d’alors. Une délibération spéciale pour le transfert d’un seul tableau, pourquoi ne pas l’avoir fait pour le reste de biens culturels dont regorge la ville de Skikda ? » Selon lui, Skikda demeure l’une des rares villes algériennes à disposer encore d’un véritable trésor artistique qui se décline en de rares statues, des tapisseries d’Aubusson, des toiles de maîtres et des vestiges. Au lendemain de l’indépendance, plus de 100 œuvres étaient jalousement gardées à l’hôtel de ville de Skikda. Combien en reste-t-il aujourd’hui ?

 

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Inventaire Tableaux Mairie Skikda

Les tableaux de l’hôtel de ville : un peu d’histoire

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Bien avant l’incendie du 13 janvier 2009 certaines personnes se préoccupaient de la sauvegarde du patrimoine que représentent les tableaux de l’hôtel de ville :
Marcel Gori dans son ouvrage “Philippeville mon beau pays” en 1995 en dresse l’inventaire et, en 2007 est édité “Les Peintures de l’hôtel de ville de Skikda” par Ahmed Nouar.

Adam STYKA “IDYLLE MAROCAINE”

 


Quand le maire veut…

 Finalement, le maire l’a fait. Il l’a même agréablement fait pour compenser plus d’une quarantaine d’années d’oubli, et se permettre même le luxe de mettre un point final à toute éventuelle dégradation d’un patrimoine plus universel que local.
Ainsi, les tableaux de l’hôtel de ville, dont tout le monde parle sans jamais les admirer, sont définitivement répertoriés et édités dans un livre qui les valorise d’ailleurs merveilleusement. Le livre, intitulé Les peintures de l’hôtel de ville de Skikda, fera d’ailleurs l’objet, aujourd’hui, d’une grande réception pour le présenter officiellement.
C’est dire l’intérêt que porte l’APC à cette initiative qui a de tout temps germé dans les esprits des amoureux de l’art et de Skikda. Dans sa préface, le maire ne cache pas sa satisfaction, légitime et méritoire, somme toute, pour écrire : « Les tableaux de peinture dont dispose l’hôtel de ville, sont des œuvres de peintres de renommée mondiale. » Et il n’a nullement tort, au vu des signatures portées sur plus d’une centaine d’œuvres. On y trouve des toiles de Jean-François Raffaelli, Maurice Utrillo, Adam Styka, pour ne citer que ces grands maîtres très cotés aujourd’hui dans le monde des arts. Le livre, écrit dans les deux langues, a été mis en pages après de grands efforts consentis par le Dr Nouar Ahmed, qui aura passé des mois, plongé dans les archives communales pour retrouver les traces de toutes les œuvres. La qualité de l’impression, très réussie, a valorisé celle artistique des toiles. Chaque œuvre est mise en exergue par des références ayant trait à son auteur et autres détails le concernant. L’auteur n’a rien oublié et a passé au peigne fin toute œuvre picturale se trouvant dans l’enceinte de l’hôtel de ville. Les toiles, les tapisseries de grande valeur, les panneaux décoratifs…
Tout est désormais répertorié et porté sur le livre. Cette initiative, qui doit être grandement saluée, ne devrait pas pour autant clore le chapitre de ces œuvres en versant dans l’autosatisfaction. Une continuité est nécessaire et devrait emmener les responsables locaux à penser déjà à faire sortir ces toiles de leur « ghetto doré » pour les rendre visibles et accessibles à tout le monde. Et puisque l’APC délogera bientôt l’état civil de l’hôtel de ville, pourquoi n’utiliserait-elle pas cet espace pour en faire un musée où, Skikdis et touristes viendraient s’imprégner de l’aura de l’art pictural. Allez, courage monsieur le maire !

* Les Peintures de l’hôtel de ville de Skikda d’Amed Nouar
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Extraits de l’ouvrage :
Introduction

 

Simple curiosité pour les néophytes, trésor culturel pour les connaisseurs, les tableaux de notre hôtel de ville constituent, avec le majestueux édifice qui les abrite, l’un des plus beaux joyaux du riche patrimoine culturel de la ville.
Les faire connaître c’est rapprocher un peu plus le citoyen Skikdi de sa ville et de son histoire et c’est aussi contribuer à la noble tâche de la protection et de la sauvegarde de ces trésors.
Les archives communales nous ont permis de reconstituer l’histoire d’une grande partie de ces tableaux ou du moins celle de leur arrivée à Skikda. Plus d’une trentaine de tableaux ont été achetés par la municipalité de Philippeville, en majorité durant les vingt années des mandats de Paul Cuttoli (1864-1949), grâce surtout à sa femme Marie (1875-1973), grande collectionneuse très connue dans le milieu des grands artistes. Ainsi la toile de Constantin Font “La femme nue” a été achetée le 1er décembre 1932 pour la somme de 7 000 FF. L’acquisition de deux autres tableaux du même artiste “La place de Marqué” et “Le minaret” date de 1946 et a coûté 10 000 FF. De cet artiste notre hôtel de ville conserve également une peinture murale représentant un paysage d’Algérie. Réalisée en 1946, elle a coûté 50 000 FF. Parmi les tableaux de Maurice Utrillo trois gouaches ont été achetées le 12 juin 1933 pour la somme de 7 500 FF. Une autre toile de l’artiste, “La place de Tertre sous la neige” a été acquise en 1933 également au prix de 10 000 FF. La même année sont achetés deux autres tableaux d’Utrillo au prix de 25 000 FF.
La toile d’Adam Styka “Idylle Marocaine” a été achetée auprès de l’artiste lui-même le 20 septembre 1932 au prix de 6 000 FF. Le même jour, à Paris, le maire de Philippeville Paul Cuttoli, concluait avec l’artiste Maurice Lévis l’achat de deux de ses oeuvres ayant figuré au salon des artistes français de 1932, “Hautes vallées de la Sarthe” et “Bord de la Mayenne” au prix de 8 500 FF et achetait à l’artiste Didier Pouget un tableau ayant figuré au salon de Paris de 1932 “Le matin bruyère en fleurs” au prix de 10 000 FF.
Au peintre J. Ortéga, Paul Cuttoli a commandé 24 petits tableaux. Nous n’avons pu établir dans quelles circonstances s’est conclue cette transaction qui remonte à 1936 à part que les cadres réalisés par un ébéniste de Tizi-Ouzou ont coûté 720 FF. Seize de ces tableaux existent toujours à l’hôtel de ville. Ce sont ces mêmes tableaux que citent les différents inventaires d’avant l’indépendance, mais aucune allusion n’est faite, dans ces mêmes documents au reste de la commande. Un autre tableau à Ortéga ne faisant pas partie de la transaction, au vu de ses dimensions, existe toujours à l’hôtel de ville, il est cité dans l’inventaire actuel de la commune sous le titre “El Kantara”.
En 1938, la municipalité de Philippeville procède à l’acquisition de deux tableaux provenant d’une succession. Le premier, “Marché de légumes” de Armand Point, a été acheté pour la somme de 8 000 FF. Le second est le fameux “Le bassour” d’Etienne Dinet, il a coûté 22 000 FF. “Le bassour” a été offert par la ville de Skikda au président Houari Boumediene en 1970 (délibération du 13 juillet 1970). Deux autres tableaux seront achetés en 1952 et 1955 à un artiste de la ville, peintre en bâtiment Charles Feola. Il s’agit de “l’Hôtel de ville” et “Place du Tertre à Montmartre”. Il est à souligner que d’autres sources présentent Charles Feola comme étant un artiste peintre, marchand de tableaux, possédant une galerie d’art à Paris sans aucune allusion à ses origines philippevilloises à part qu’il est l’oncle d’un artiste connu de la ville Roland Irolla dont nous parlerons un peu plus loin.
Une autre partie de ce magnifique fonds artistique est constituée d’oeuvres de peintres ou d’artistes amateurs ayant vécu à Skikda. Ainsi en est-il de Jules Chabassière, géomètre féru d’archéologie, conseiller municipal de Philippeville, à qui l’on doit deux tableaux,“Théâtre romain” et “Mosquée de Sidi Okba”. Paul Rossi, auteur du tableau “Le port de Stora” est également poète et a été conseiller municipal de Philippeville. Louis Randavel est un artiste peintre qui a certainement séjourné à Skikda puisqu’on le trouve membre du conseil d’administration du musée de la ville vers la fin du 19e siècle. Il nous a laissé deux marines et une décoration murale “scène champêtre”. “Le charmeur de serpents” est un tableau signé de Fournier Ricoux. Des inventaires d’avant l’indépendance l’attribuent à Mme Numa Ricoux, ce qui laisse supposer l’appartenance de cette artiste à la grande famille de la ville dont sont issus deux maires de Philippeville: Alexandre et René Ricoux.
Des artistes de Philippeville nous pouvons encore citer Louis Haas. Deux de ses tableaux, “Paris plage” et “Rochers” sont cités dans les inventaires de 1956 et 1960 respectivement. De Roland Irolla, artiste peintre né à Philippeville en 1935, un inventaire de 1956 cite “Place de Marqué” et “Montmartre et le Sacré-coeur”. Ce dernier tableau figure dans l’inventaire actuel de la commune sous le titre “Sacré-coeur de Paris”. Une autre source [3] rapporte que Roland Irolla a exposé à Philippeville en 1955 et qu’à cette occasion la municipalité lui a acheté deux toiles: “Place de Marqué” et “La place du Tertre sous la neige”, ce dernier titre est cité dans un inventaire du 25 août 1962.
Jean Methey est également cité dans les archives communales comme un artiste peintre de Philippeville. En 1935 il a livré à Paul Cuttoli trois aquarelles représentant le vieux Philippeville pour la somme de 3 000 FF. De Philippeville également pourrait être l’artiste Napoléaon, auteur de “Rue Antoine Bruno” que l’inventaire actuel de la commune mentionne sous le titre “Scène de Rue”. Ce tableau représente en fait l’actuelle rue Ali Abdennour. Un autre tableau du même artiste, “Rue Clémenceau” est cité dans un inventaire du 25 août 1962, ce tableau qui n’existe pas actuellement à l’hôtel de ville pourrait représenter l’actuelle rue Didouche Mourad.
Peu d’informations fiables par contre, concernant des oeuvres de grande valeur comme “Le veuf” et “Les berges de la seine” de J.F. Raffaelli ou encore “La femme” de C. Chaplin, sont à notre disposition. Ces tableaux avec ceux d’autres peintres comme Bouchaud, Chabanian, Bouviolle, ou Casses, auraient été empruntés aux musées de France à différentes occasions (inauguration de l’hôtel de ville, centenaire de Philippeville) ou peut être faisaient-ils partie de cet ensemble de peintures et d’objets d’art mis en dépôt à Philippeville par le ministère des Beaux-Arts à partir de 1914 et mentionné dans [2].
Plus de mystère encore, entoure “La mise en tombeau du Seigneur”. Ce tableau, répertorié comme étant anonyme, porte la mention difficilement lisible “d’après Ribera” laissant ainsi supposer qu’il s’agit d’une copie d’une oeuvre du peintre espagnol du 17e siècle Jusepe Ribera et démentant ainsi l’affirmation longtemps soutenue que ce tableau était un Van Dyck. Cette dernière conjecture était justifiée par ce passage de Louis Bertrand dans son Histoire de Philippeville : “Au moment de transporter dans la nouvelle église en février 1854 le mobilier de l’ancienne on songe à restaurer les trois tableaux apposés aux murs…. …l’une de ces toiles porte le nom illustre de Van Dyck, elle représente l’ensevelissement du Christ et a été donnée à l’église par Monseigneur Dupuch”. Le même auteur, dans ce même ouvrage et dans une description du musée de Philippeville mentionne: “……Un pavillon central composé de deux salles de 20 x 09 m, l’une au premier étage, c’est la salle de peinture, l’autre de sculpture et de collections modernes…..”. Se pourrait-il qu’une partie des tableaux de l’hôtel de ville provienne de cette collection dont on ignore le sort après la fermeture du musée survenue en 1953 ? Ceci est fort plausible d’autant plus que d’autres pièces du musée provenant des pavillons des armes et de l’archéologie, entre autres, ont été transférées à l’hôtel de ville pour retrouver ensuite leur place au musée dés sa réouverture en 1987 (fusils, pistolets, Marianne en bronze…).
D’autre part des tableaux attribués à Paul Rossi n’existant pas actuellement à l’Hôtel de ville, sont cités dans un inventaire de 1960 comme faisant partie de la collection du musée: “Philippeville en 1899”, “Souvenir du 3e zouave”, “Les portes de Constantine” et ” Scène Arabe”. Avec d’autres oeuvres du musée: “Lever de Lune”, “Villa, Pont et Rivière”, “Vallée de la Cure, Yonne” et “Arabe devant une maison” attribuées à E. René His et des anonymes : “Bord de rivière”, “Lithographie Japonaise” , “Paysage” et “Portrait de femme”, ils auraient été prêtés à différents services de la commune.
A l’Hôtel de ville, il y a également des tapisseries de grande valeur. Rien d’étonnant à cela quand on sait que c’est grâce au mécénat de Marie Cuttoli que la tapisserie a été remise à la mode et qu’a été relancée l’activité des manufactures Aubusson [1]. Il y a d’abord “La barque de Dante” et “Les femmes d’Alger dans leur appartement” toutes deux d’après Eugène Delacroix. Elles sortent des ateliers d’Aubusson en France et ont été livrées par une artiste peintre de Paris, Fernande Cormier, la première en 1933, la seconde en Septembre 1932. Elles ont coûté 25 000 FF chacune. “L’arrivée des Français devant Rusicade” sort également des ateliers d’Aubusson. Achetée en 1935, elle a coûté 30 000 FF. Une autre tapisserie, qui n’existe plus à l’Hôtel de ville, est citée dans les anciens inventaires, elle représentait les armoiries de la ville de Philippeville et a été acquise auprès de l’artiste Jean Methey en 1934 au prix de 3 000 FF.
Mais ces magnifiques oeuvres d’art dont notre ville peut à juste titre s’enorgueillir ne sont qu’une facette de la riche histoire des arts plastiques à Skikda. Beaucoup d’autres tableaux de peintres connus ou d’artistes amateurs firent partie, comme le rapportent les archives de la ville, de la magnificence du décor intérieur, tout en splendeur, de notre hôtel de ville “Sainfoin au soleil” de René Seyssaud, “Le port de Collioure” de Pierre Brune “Yachting” de G. Burdeau, “Le printemps” d’ Ardiot, ou encore “Place de Marqué” de Drouot et “Rouen, l’avant-port” de Parent, même s’ils n’ont pas laissé de traces ont été les témoins de l’attachement d’une ville qui venait à peine de naître, à la culture et aux arts. Comme beaucoup de villes d’Algérie à forte population coloniale à l’instar de Bejaïa, Annaba, Alger, Oran ou Constantine ou encore des régions du sud à l’exotisme envoûtant comme Boussaâda, Biskra ou le Mzab, notre ville a beaucoup inspiré. Raoul Dufy, Théodore Frère, Paul Jobert, Roger Débat, Henri Caillet, Marguerite Rey Lobin ou encore l’enfant de la ville Caussius-Vignau Marcel ont, chacun à sa manière, célébré son charme enchanteur et la gaieté de ses couleurs. L’histoire de la peinture à Skikda c’est aussi ces grands peintres de Skikda de l’Algérie indépendante, Ramdane Abdelaziz, Mohamed Boudjemâa, Messaoud Bounemour et bien d’autres qui, par leurs talent, ont su planter les jalons d’une voie nouvelle pour que soit écrit, à travers leurs oeuvres et celles de leurs disciples, qu’entre l’art et les bords du Saf-saf la rencontre ne fut pas sans lendemain et pour que s’égaie par leurs empreintes de couleurs et de lumière la mémoire collective des enfants de Rusicade.
Au-de là de la fierté légitime que suscitent en nous les louanges sincères des nombreux visiteurs qui ont eu le privilège de les admirer, quelle que soit leur réelle valeur sur le marché de l’art, nous nous devons de restituer à ces tableaux leur véritable statut, celui d’un fonds culturel qu’il s’agit de sauvegarder, celui d’un témoin de notre histoire récente qu’il s’agit de protéger.
Ahmed Nouar

Bibliographie
1- Encyclopédie de la peinture. LAROUSSE 1996.
2- L’Algérie des peintres. Marion Vidal Bue. EDIF 2000.
3- Irolla.org Site officiel de Rolland Irolla.
4- Les artistes et l’Algérie. BASE JOCONDE. 5- www. Orientaliste.free.fr


Le vieux Philippeville

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    Anonyme – En guise de signature porte l’inscription “L.R.M. Philippeville en 1856”

 

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    Anonyme – En guise de signature porte l’inscription “L.R.M. Philippeville en 1900”

 

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      B. Fren – Les bords du Safsaf 1848

 

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   B. Fren – Le vieux Philippeville 1842

 

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    B. Fren – Le vieux Philippeville, vue du port à ses débuts 1891

 

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   E. Galien Laloué – Stora en 1856

 

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    Anonyme – Le vieux Philippeville, ce tableau non signé représente une vue de Philippeville en 1871

 

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   Anonyme  – Le vieux Philippeville, ce tableau est signé de G.M. et porte la mention Philippeville en 1845

* Des toiles de maîtres disparues à Skikda

Un patrimoine universel en déperdition. Plusieurs œuvres de maîtres qui ornaient les murs de l’Hôtel de ville de Skikda ont disparu. Ont-elles été volées, prêtées ou se sont-elles tout simplement dégradées ? Par quel subterfuge avait-on réussi, il y a plusieurs années déjà, à « subtiliser » des toiles originales et propriété exclusive de la commune de Skikda sans que cela choque et sans qu’une enquête soit enclenchée ? Comment expliquer aujourd’hui la disparition de plusieurs toiles d’Ortega et de Rossi qui au lendemain de l’indépendance étaient pourtant bel et bien consignées dans l’inventaire communal ?
Où serait donc passée L’ensevelissement du Christ, une œuvre qui serait de Van Dyck ? Autant de questions auxquelles il faudra un jour répondre. En attendant, le ministère de la Culture se couve dans un brin d’amateurisme en continuant à l’aube du troisième millénaire d’user du conditionnel pour décrire des œuvres d’art pourtant reconnaissables, allant jusqu’à confondre l’original et la copie, voire Ribera et Van Dyck.
Une évidence cependant : la richesse dont disposait Skikda a subi, des années durant, une grave hémorragie encouragée par la passivité et le silence complice de l’ensemble des élus et d’autres responsables qui ont eu à passer par l’Hôtel de ville. Pour tenter d’approcher le mal fait à un authentique patrimoine, une visite dans les méandres d’un énorme gâchis artistique s’impose. Suivez le guide !

 

Le forum des Algériens

 

Des toiles de maîtres disparues à Skikda

Un patrimoine universel en déperdition
Plusieurs œuvres de maîtres qui ornaient les murs de l’Hôtel de ville de Skikda ont disparu. Ont-elles été volées, prêtées ou se sont-elles tout simplement dégradées ? Par quel subterfuge avait-on réussi, il y a plusieurs années déjà, à « subtiliser » des toiles originales et propriété exclusive de la commune de Skikda sans que cela choque et sans qu’une enquête soit enclenchée ? Comment expliquer aujourd’hui la disparition de plusieurs toiles d’Ortega et de Rossi qui au lendemain de l’indépendance étaient pourtant bel et bien consignées dans l’inventaire communal ?Où serait donc passée L’ensevelissement du Christ, une œuvre qui serait de Van Dyck ? Autant de questions auxquelles il faudra un jour répondre. En attendant, le ministère de la Culture se couve dans un brin d’amateurisme en continuant à l’aube du troisième millénaire d’user du conditionnel pour décrire des œuvres d’art pourtant reconnaissables, allant jusqu’à confondre l’original et la copie, voire Ribera et Van Dyck. Une évidence cependant : la richesse dont disposait Skikda a subi, des années durant, une grave hémorragie encouragée par la passivité et le silence complice de l’ensemble des élus et d’autres responsables qui ont eu à passer par l’Hôtel de ville. Pour tenter d’approcher le mal fait à un authentique patrimoine, une visite dans les méandres d’un énorme gâchis artistique s’impose. Suivez le guide !

Bouteflika désirait Dinet

D’abord, avant de s’engouffrer dans les couloirs et les greniers de l’Hôtel de ville pour compter et contempler les tableaux d’Utrillo, de Font, de Styka ou de Raffaelli, il faudrait d’abord reconnaître que Skikda reste l’une des rares villes algériennes à disposer encore d’une véritable richesse artistique. Des statues, des tapisseries d’Aubusson, des peintures de maîtres, des vestiges. Un trésor. Un trésor qui n’avait pas échappé à l’œil connaisseur d’un certain Bouteflika, alors ministre des Affaires étrangères sous le règne de Boumediène. C’était en 1970 lors d’une visite présidentielle. Un élu de l’époque, qu’on évitera de nommer, s’en souvient encore et raconte. « Nous faisions visiter au président Boumediène l’Hôtel de ville quand, soudain, Bouteflika remarqua le tableau d’Etienne Dinet qui était suspendu à l’un des murs. Il le contempla longuement puis lança : ‘‘Je crois que nous allons prendre ce tableau.’’ Ce à quoi Boumediène répondit : ‘‘Il nous faudra d’abord l’accord des élus locaux.’’ » Ces derniers finiront par concocter dans l’urgence une délibération pour décider d’offrir à Boumediène Le Bassor d’Etienne Dinet. Une magnifique toile du maître de l’orientalisme qui orne aujourd’hui le salon des accréditations à la Présidence. Mais Le Bassor de Dinet n’est pas la seule valeur du patrimoine skikdi, puisque l’Hôtel de ville regorge de toiles de maîtres cotées aujourd’hui sur le marché de l’art. Des exemples peuvent être cités : La paysanne de Madrassi, Le veuf de Jean-François Raffaelli, six peintures parisiennes de Maurice Utrillo, deux bleus du Bônois Randavel, un bruyère de Didier Pouget, une d’orientalisme d’Armand Point, un portrait de Domergue, L’idylle marocaine d’Adam Styka, une touche noire de Jacques Majorelle, un nu de Constantin Font, un M’zab de Bouviolle et des Kantara et autres Skikda (Philippeville) de José Ortega… En tout, plus de 100 œuvres se trouvent aujourd’hui jalousement gardées à l’Hôtel de ville en attendant des jours meilleurs. Le comité des fêtes de la commune vient d’ailleurs d’éditer un beau livre pour présenter ce patrimoine. Une initiative vivement saluée localement mais qui ne peut suffire à valoriser cette richesse, encore moins à occulter les déperditions qui l’ont caractérisée bien avant l’indépendance et aussi après.

Khalida Messaoudi préfère Van Dyck

Le très officiel site du ministère de la Culture mentionne clairement que Skikda dispose d’une « toile classée représentant l’ensevelissement du Christ attribuée à Van Dyck ». Cette œuvre n’existe pas, ou plutôt elle n’existe plus. Le classement fait par les services du ministère de la Culture s’est fait apparemment dans la précipitation et sans la moindre expertise. Explication : la toile citée par le ministère n’est pas de Van Dyck. Ce n’est qu’une banale copie de La déposition du Christ, une œuvre de l’autre maître du baroque, l’espagnol Ribera, et dont l’original est conservé depuis des lustres au musée du Louvre à Paris. Cette découverte, rapportée dans le livre du docteur Nouar Ahmed, Les peintures de l’Hôtel de ville, est venue d’une part mettre un point final à un fantasme longuement cultivé et, d’autre part, elle remet le sujet de la toile de Van Dyck à l’ordre du jour, car si la toile de l’Hôtel de ville est une copie de Ribera, où serait passée l’œuvre de Van Dyck ? Aucune trace. Elle a bien existé et se trouvait à l’église, mais une fois la bâtisse démolie dans le courant des années soixante-dix, la toile a disparu tout comme ont disparu les pierres de taille de l’église qui servent aujourd’hui de forteresses à des constructions privées de quelques responsables de l’époque du parti unique. Où se trouverait donc L’ensevelissement du Christ de Van Dyck ? Les seules références historiques relatives à cette œuvre remontent à 1852, année de l’inauguration de l’église Saint-cœur-de-Marie. Dans son Histoire de Philippeville, Louis Bertrand rapporte qu’au moment « de transporter dans la nouvelle église en février 1854 le mobilier de l’ancienne, on songe à restaurer les trois tableaux apposés aux murs. L’une de ces toiles porte le nom illustre de Van Dyck et a été donnée à l’église par monseigneur Dupuche ». Dupuche était le premier évêque d’Alger. Un homme de foi qui liera par la suite une grande amitié avec l’Emir Abdelkader. On cite dans les annales de la première paroisse de Skikda que lors de l’inauguration de l’église Saint-cœur-de-Marie en 1852, « l’Abbé Plasson inaugurait l’église et y installait le tableau donné à la cité par monseigneur Dupuche ». Même si l’existence de la toile reste prouvée, personne n’est en mesure aujourd’hui de dire où elle se trouve. La vox populi locale reste prolixe au sujet des toiles de l’Hôtel de ville. On avance même les noms de personnes qui ont travaillé à l’Hôtel de ville et qui disposeraient aujourd’hui de certains tableaux. Difficile d’affirmer ou d’infirmer. Ces « racontars » restent, faute de preuves, dans la case des rumeurs.

On vole pour vendre via internet !

D’autres supposent que la razzia aurait été menée à l’approche de l’indépendance, jugeant que les colons n’allaient tout de même pas laisser le trésor entier. Cependant, une chose est sûre, selon le livre du docteur Nouar, plusieurs tableaux portés sur un inventaire datant du mois d’août 1962 n’existent plus aujourd’hui. On cite à cet effet des œuvres de Napoléon, un portrait du gouverneur d’Alger d’Arsène Chabanian et une toile de Roland Irolla, un artiste de renommée internationale. Toujours selon le livre de Nouar, plusieurs œuvres de Paul Rossi n’existent plus aujourd’hui. La gangrène ne s’arrête pas là, puisque l’une des deux œuvres du célèbre portraitiste Jean-Gabriel Domergue a disparu. Idem pour une merveilleuse collection de 24 toiles de l’artiste José Bennito Ortega qui a été amoindrie suite à la disparition de 7 œuvres. On trouve aujourd’hui deux de ces toiles subtilisées – Biskra, le djebel Amor et Temacine, le lac sacré – mises aux enchères dans un site officiel qu’on évitera d’identifier. Ces deux toiles seraient-elles fausses ? A priori non pour la simple raison que les peintures d’Ortega se singularisent par leurs encadrements exclusifs de style berbère que l’artiste avait spécialement commandés en 1936 chez un ébéniste de Tizi Ouzou. Les peintures exposées dans ce site ont les mêmes encadrements commandés par Ortega. Et si on admet qu’elles soient fausses, comment expliquer dans ce cas l’originalité des encadrements ? Les exemples de ce genre sont multiples puisqu’on trouve dans une vente aux enchères, apparemment très sérieuse, du mois de mars dernier à Paris, le tableau de l’orientaliste Constantin Font – Le minaret – qui est quasiment identique à l’œuvre inventoriée sous le titre Mosquée de Sidi Ali Dib du même artiste qui se trouve encore à Skikda. Sans insinuation aucune et sans s’aventurer à affirmer l’originalité des œuvres qui se baladent à travers le monde – il y a même une copie mise aux enchères au USA de l’Idylle marocaine d’Adam Styka ! – il serait nécessaire de mettre un point final aux supputations, car le massacre causé au patrimoine local s’est fait avec la connivence des officiels. Sinon comment expliquer qu’à ce jour on continue encore à exposer des toiles qui seraient de grande valeur comme de vulgaires tableaux sans aucune considération technico-artistique (milieu, lumière…) et sans se soucier d’une éventuelle altération ? Qui peut affirmer aujourd’hui de l’authenticité de ces œuvres ? Comment expliquer le fait qu’aucun responsable n’a daigné enclencher une enquête relative aux disparitions des toiles, ni même commander une expertise d’authentification ou de certification des œuvres qui sont encore à l’Hôtel de ville ? 45 ans durant, les faussaires aussi bien que les voleurs avaient toute latitude d’opérer. Le gouffre risque d’être plus profond qu’on ne le pense et c’est a priori pour cette raison qu’on évite encore de titiller les ruches !

K. Ouahab

La ville aura finalement son musée

[Par Khider Ouahab – El Watan 23 février 2010]
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L’étude du projet a été finalisée. Skikda aura finalement son musée. Il ne sera pas l’œuvre de l’APC, mais bel et bien celui de la direction de la culture.

Cette précision est de taille car l’APC a laissé entendre, à plusieurs occasions, qu’elle réalisera ce musée pour y exposer les fameuses toiles de l’hôtel de ville. Ainsi, et après la confirmation de la réalisation de cette infrastructure par les services de la wilaya, l’APC ne pourra plus désormais faire dans l’opportunisme, ni le populisme, pour tenter de récupérer à son actif le travail des autres.
L’édifice dont l’étude est déjà finalisée depuis plus de quatre ans, sera, a priori, érigé sur l’assiette initialement retenue, celle jouxtant la Munatec (Dar El Mouallim). Promu en musée régional, il abritera tout le patrimoine matériel de la région ; il comprendra une aile pour exposer en permanence la collection des œuvres picturales de Skikda.
L’espace d’exposition disposera d’une aire de plus 260 m2, à cela s’ajouteront une salle de conférences de 100 places, une bibliothèque multimédia, des ateliers de conservation, et d’autres commodités.
Pour la même année 2010, la direction de la culture a également réussi le pari d’inscrire trois autres grands projets. Skikda se dotera d’une bibliothèque régionale pour un ratio de 200 000 habitants, s’étalant sur plus de 3000 m2 ; l’étude, réalisée selon les normes universelles, prévoit d’y inclure une section pour adultes et adolescents, et une autre pour enfants ; une salle de conférences de 250 places et de deux autres de lecture sont également prévues. Quant au 3e projet, il consiste à doter les villes de Collo et d’El Harrouche de deux bibliothèques semi-urbaines. Les études y afférentes sont déjà achevées, et la réalisation devra aboutir en 2010.
Le dernier projet à réaliser dans la ville de Skikda consistera à achever les deux bibliothèques urbaines en cours de construction, l’une à la cité Ben M’hidi et la seconde à la cité Sicel. Leur réception est prévue avant la fin de l’année en cours.

Les tableaux de l’hôtel de ville enfin classés

[Par Khider Ouahab – El Watan 9 mars 2010]
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Cette action, bien que tardive, permettra de sauvegarder un patrimoine dont la valeur universelle n’est plus à démontrer.

Désormais, les tableaux de l’hôtel de ville seront à l’abri. Le ministère de la Culture a finalement pris les choses en main en décidant de les classer, ce qui n’est en fait qu’une reconnaissance, aussi tardive soit-elle, de cette richesse. L’information est passée presque inaperçue, avant que la publication du journal officiel du mois de décembre 2009 ne vienne confirmer la bonne nouvelle.
Ainsi, ni l’APC ni aucune autre institution locale n’aura la latitude « jouer » ou de « perdre » ce patrimoine dont la valeur universelle n’est plus à démontrer. La réaction du département de Khalida Toumi a été motivée, selon des sources proches de la direction de la culture, par les malheureux et successifs incidents qui ont concerné la collection des œuvres de l’hôtel de ville. Un incendie, suivi d’un vol, ont réveillé les consciences des décideurs qui ont fini par admettre que la collection de Skikda n’était pas à l’abri d’autres dégradations et que son classement devenait indispensable.
C’est donc par Arrêté ministériel du 10 novembre 2009, portant classement des biens culturels mobiliers protégés, paru dans le journal officiel n° 77 du 29 décembre 2009, que le ministère de la Culture classe l’ensemble des tableaux. L’arrêté cite dans son premier article le classement des tableaux, et dans un deuxième il ajoute que « le ministre chargé de la culture notifie l’arrêté de classement au président de l’assemblée populaire communale de Skikda, détentrice de ces biens ». Cet article met ainsi fin aux craintes infondées de plusieurs élus locaux qui s’étaient attaqués à la presse lors de l’incendie survenu le 13 janvier 2009, ayant détruit pas moins de sept toiles.
A cette époque, on accusait la presse de chercher, à travers ses écrits, à délocaliser la collection locale. Donc, le ministère de la Culture vient de rappeler que ces œuvres restent la propriété de l’APC de Skikda, mais leur classement leur assurera plus de considération et plus de sécurité.
L’arrêté ministériel est joint d’une liste complète des œuvres mentionnant l’intitulé de chaque tableau, son état, sa provenance et le lieu de son dépôt. Le classement des tableaux de l’hôtel de ville, même si quelque part il représente un « mea culpa » des responsables de la culture, reste néanmoins un acquis indéniable. Mais le classement en lui-même ne peut assurer la pérennité de ces œuvres, et il suffit juste de se rappeler que la collection de Skikda s’est vue amputer de pas moins de 8 toiles : sept ravagées par l’incendie survenu le 13 janvier 2009 et une autre portée disparue.
Donc, dans sa volonté d’assurer des conditions idéales pour la préservation de ces œuvres, le ministère de la Culture a relancé, pour cette année, la réalisation d’un musée régional à Skikda qui servira, entre autres, à abriter et à exposer l’ensemble des tableaux. Erigé selon les normes universelles propres à ce genre d’espaces, le nouveau musée, dont l’étude a été achevée, aura ainsi à garantir la sécurité des toiles et surtout à les exposer en permanence afin de permettre aux habitants de Skikda et aussi aux visiteurs étrangers de contempler enfin ces œuvres dont on parle toujours mais qu’on ne voit jamais. Une enveloppe assez conséquente a donc été allouée par le ministère de la Culture pour assurer la réalisation et l’équipement de cet édifice, dont les contours architecturaux futuristes apporteront certainement un plus dans le paysage urbain de Skikda.
En plus de ces acquis, le secteur de la culture dans la wilaya de Skikda devra, a priori, bénéficier d’autres classements dans les mois à venir. On laisse déjà entendre que des dossiers relatifs au classement de l’îlot de l’hôtel de ville (l’ensemble des bâtisses allant de l’hôtel de ville à la Grande poste) ont déjà été transmis à la tutelle, et que leur classement ne saurait tarder. Ce sera certainement un autre acquis pour Skikda, car la culture c’est aussi la préservation et la protection du patrimoine local.

Chefs d’œuvre en péril

[Par Khider Ouahab – El Watan 4 mai 2011]
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Il y a deux ans, un incendie ravageait l’hôtel de ville de Skikda.  

Sur les 88 toiles et tapisseries qui y étaient accrochées avant l’Indépendance, il n’en reste aujourd’hui que 73, dont deux classées au patrimoine mondial de l’Unesco, et cinq répertoriées comme œuvres anonymes. Un véritable musée qui reste fermé à la population, pourtant très attachée à son patrimoine…

Tout commença par un banal court-circuit dans le cabinet du maire de Skikda. D’immenses flammes qui se propageront au niveau du couloir finiront par brûler six tableaux. L’incident, minimisé à l’époque, fit réagir le ministère de la Culture qui dégagea une commission d’enquête. Bilan : la liste des œuvres ravagées par le feu comprend deux tableaux de l’Espagnol José Ortega, Tombeau du roi de Toggourt-2- et Basilique romaine-3-, Jeune femme en châle-4-de Chapelin, une œuvre de l’artiste local Ramdane, symbolisant l’ère de la révolution industrielle ainsi que deux œuvres demeurées anonymes, dont l’une est un graphique abstrait et l’autre représente une estampe japonaise. La dernière œuvre est celle de Germaine Casses, intitulée Rivage de Guadeloupe, accrochéeau mur du couloir près des bureaux du chef de cabinet, qui exigerait aujourd’hui une restauration minutieuse. Une fresque murale du célèbre orientaliste Constantin Font a également été partiellement détériorée.

L’inventaire, établi juste après l’incendie du 19 janvier, permit – involontairement peut-être – de mettre au jour la disparition d’une autre œuvre : Tabergda-1-, du célèbre orientaliste José Ortega. Elle n’a pas été consumée par les flammes, car, selon des témoignages crédibles de l’époque, elle était exposée à la cafétéria de l’hôtel de ville, très loin de l’incendie. Sa dernière trace remonte, selon les mêmes témoignages, à 2006. Une enquête judiciaire a été ouverte et des employés communaux ont été cités à comparaître. Personne n’a encore retrouvé la trace de ce tableau… D’autres œuvres inventoriées avant et après l’Indépendance restent toujours introuvables. A titre d’exemple, on peut citer deux toiles de Claro, Commerçants musulmans et Etalage de tissus musulmans. On retrouve leur trace via Internet où elles sont… anonymement proposées à la vente. D’autres œuvres d’Ortega ne figurent pas sur l’inventaire actuel. Il s’agit de Au sud de Khenchela et de Biskra, le djebel Amor. Idem pour la toile de Hass, Paris Plage et La Désirade de Germaine Casse, inventoriée en 1934. Pour sa part, Nouar Ahmed énumère dans son livre d’autres œuvres perdues et cite, entre autres, celles de Rossi et de Domergue.
Peinte en 1934, La sieste-6- transita par Paris avant d’arriver à Skikda le 8 janvier 1939. Elle fait partie d’une grande collection que Majorelle dédia à la beauté gnawie. Il avait longtemps séjourné au Maroc et était fasciné par les modèles féminins gnawas qu’il peindra comme d’authentiques sculptures. Aujourd’hui, sa villa à Marrakech et son jardin, reconvertis en un véritable musée, continuent d’attirer des milliers de touristes. Les œuvres de Majorelle de moindre envergure valent aujourd’hui plus de 300 000 euros.

Difficile de classer les œuvres formant la collection de Skikda : ni la valeur artistique, encore moins la cotation financière sur le marché de l’art ne peuvent surpasser ni remplacer la valeur sentimentale qui lie les Skikdis à leur patrimoine. Néanmoins, certaines toiles sont plus populaire que d’autres. Parmi elles, incontestablement Le veuf-8-, de Jean-François Raffaëlli, un peintre pastelliste qui côtoya longtemps le maître Degas et l’entourage impressionniste parisien des années 1870. Un autre maître peut être cité également : il s’agit d’Adam Styka, peintre orientaliste polonais qui, en 1932, accepta de vendre son Idylle Marocaine -9-à la municipalité. La collection comprend aussi pas moins de six œuvres de Maurice Utrillo-10-, deux bleus de Randavel, un bruyère de Didier Pouget, un Madrassi, un portrait de Domergue-11- et un paysage de Maxime Noiré.

En plus des peintures, l’hôtel de ville de Skikda comprend également deux grandes tapisseries, réalisées toutes deux à partir de cartons dessinés selon des créations d’Eugène Delacroix : Femmes d’Alger dans leurs appartements-7- et Dante et Virgile aux enfers. Elles avaient été commandées par Marie Cuttoli et réalisées par des liciers d’Aubusson. Aujourd’hui, ces tapisseries sont classées au patrimoine immatériel mondial de l’Unesco.

 A Lire :

Ahmed Nouar et Karim Dhili, ancien maire de Skikda, ont fait pour les toiles de la ville ce que n’ont pas fait tous les autres responsables réunis depuis l’Indépendance.

Au mois de juin 2007, un livre intitulé Les peintures de l’hôtel de ville de Skikda a été édité par l’APC. Ecrite par le Docteur Nouar après de longs mois de recherche, l’œuvre a le mérite d’inventorier toutes les richesses artistiques de l’hôtel de ville. C’est aujourd’hui une référence indéniable de la richesse locale et un garde-fou devant l’oubli et d’éventuelles dégradations.